Le confinement renvoie aux murs et aux lieux qui nous protégent, en principe, de la virose. Y sont accrochés ou, à l’entour, nous parlent ces objets qui font un univers personnel ou un amer. Quel est celui de celles et ceux qui, pour l’instant seulement, ne peuvent pas encore revenir sur le plateau Des mots de minuit ? Voici Murmure, quelques confidences de temps incertains de ces cinéastes en herbe. Aujourd’hui le photographe Grégoire Korganow.
Murmure est une carte blanche vidéo proposée aux invité-e-s aujourd’hui confiné-e-s- Des mots de minuit…
Grégoire Korganow est, d’une certaine façon, le photographe des corps …
Le sujet est vaste, infini. Depuis près de 30 ans il l’explore à sa façon, particulière, engagée, politique sûrement, privilégiant le territoire « des invisibles et des opprimés« . Ainsi, quasi obsessionnel, de son œil d’homme et d’imagier du temps présent, il explore l’univers carcéral. Intérieur, extérieur, les familles qui le visitent, les paysages qui l’entourent. Toujours saisissant, original, sur un thème pourtant un peu rabâché.
L’auscultation des corps va bien au-delà pour Korganow. Ainsi sa série sur les pères et les fils, sur les danseurs ou encore sur les soignants qui l’avaient sauvé d’une sale chute en moto sur le périphérique parisien. Un coup d’œil sur son site renseigne la diversité de ses curiosités.
Si les murs emprisonnent dans les prisons, retiennent en ces temps de confinement, ils sont fondateurs et rassurants dans l’intimité domestique de Grégoire Korganow. Quand il déménage, ce qu’il y fixera est une priorité, les murs montrent et parlent. Ainsi ce portrait inquiétant de Maïakovski qu’il a finalement apprivoisé, le poète futuriste est désormais un confident.
Chez moi, les murs sont couverts de photos, d’affiches, de dessins, de livres… Plus un seul espace de mur n’est libre. Ce plein me rassure et m’apaise. Parfois, je m’assois sur le canapé du salon, j’ancre mon regard dans les objets familiers accrochés au mur et je laisse mon esprit divaguer. Parmi tous ces objets se trouve un portrait de Maïakovski photographié par Rodtchenko.
Grégoire Korganow – Bondy, le 25 avril 2020
Ce tableau trônait dans l’escalier de la maison familiale. Enfant, il me faisait peur. Je me demandais qui était cet homme au regard sévère qui semblait me fixer en permanence. À l’adolescence, j’ai appris à connaitre Maïakovski. Grâce à lui je me suis plongé dans le mouvement futuriste russe, j’ai découvert le cinéma de Dziga Vertov, d’Einsentein, de Medvedkine, je me suis rêvé révolutionnaire sillonnant à ses côtés la terre de mes ancêtres.
J’ai hérité du portrait de Maïakovski à 18 ans quand j’ai pris mon indépendance. Depuis cette époque ce tableau ne m’a jamais quitté. Il est le premier objet que j’accroche quand je m’installe quelque-part. J’ai besoin de sentir la présence de Maïakovski, de croiser son regard perçant. Il est comme un membre de ma famille, le portrait d’un aïeul disparu avant ma naissance, mais dont la mémoire se prolonge en moi. Souvent je le questionne secrètement et il m’aide à éprouver mes choix, à faire la lumière sur ma vie.
- le site de Grégoire Korganow
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