« Mon Ange », Lina El Arabi: Le « je » du destin dans les ruines à Kobané
Certes, elle « adore » la compote de pommes! Il n’empêche. À 21 ans, voici une excellente comédienne en herbe qu’un désir de journalisme rend aussi curieuse du monde. Qu’elle incarne aujourd’hui la kurde Rehana, qu’elle ait été Zahira et Chama hier ou qu’elle soit demain Aoucha dit plus de l’assignation des rôles dans une profession que de sa qualité de jeu. La voici, plurielle, dans ce mot à mot
Lina El Arabi est diplômée d’une école de journalisme et refuse, aujourd’hui en tout cas, d’avoir à choisir entre faire l’actrice ou essayer de « refaire le monde ». Elle a commencé jeune (14 ans) dans un film où elle sera la meilleure amie plutôt que le rôle principal qui nécessitait une mise à nue. Les parents avaient fronçé les sourcils. On lui sait le conservatoire à six ans et une pratique encore actuelle de la danse classique et du violon.
À Avignon, elle s’est mise au scooter…
« Noces », « Ne m’abandonne pas », « Eye on Juliet » permettent de lui commencer une filmographie. « Typée » ou « stéréotype » sont des mots que l’on peut lui proposer quand une profession caste dans la facilité. Elle le sait. Elle n’en semble pas dupe. Alors, elle s’appelera Chama, Zahira, bientôt Aoucha…
« Mon Ange » est sa première expérience de seule en scène. Zahira, jeune kurde en désir d’études de droit se retrouve dans l’absurdité sanglante de la guerre en Syrie et dans l’obligation d’avoir à défendre sa terre contre Daesh. Sur l’affiche, on pourrait lire: « inspiré d’une histoire vraie, Mon Ange relate l’incroyable destin d’une jeune fille kurde devenue malgré elle sniper et symbole de la résistance lors du siège de la ville syrienne de Kobané en 2014-2015… ». On retiendra également le travail et l’écriture de l’anglais Henry Taylor dont c’est la troisième pièce (après « Cauchemars d’orient » et « The collector ») d’une trilogie (« Arabian nightmares ») centrée sur le terrorisme…
Je fais la grasse matinée. Je l’ai mérité, j’ai été prise à l’école de droit. Ma récompense : pas de devoirs pendant quelques jours.
« Rehana, lève toi! »
J’émerge lentement du sommeil.
Ça crépite. Ça explose. Ça cogne. Là-bas, dans les champs.
Un feu d’artifice en plein jour?
« Rehana, lève-toi!“
Ma mère, affolée à la porte. Son foulard qui tremble.
« On s’en va. Fais tes bagages! »
Elle me lance un des sacs en toile de jute dont on se sert pour la cueillette ; les fermiers ne prennent jamais de vacances, on n’a pas de valises.
« On va où? »
« En Europe. »
Elle fait claquer les portes des placards, choisit en une seconde des habits, des bibelots et des bijoux.
« Daech arrive. »Extrait de « Angel », troisième texte de la trilogie de Henry Naylor consacrée au terrorisme
« Mon Ange » (traduction de Adelaïde Pralon), mis en scène par Jérémie Lippmann
avec Lina El Arabi.
► à partir du 5 octobre 2017 au théâtre Tristan Bernard (Paris)
texte: Henry Naylor
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