« Le corps des ruines » de Juan Gabriel Vásquez: écrire des trous de l’histoire

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« Tous résistants », « Les événements d’Algérie », « La France de l’opération turquoise ». Ce que cachent les mots qui font l’histoire ou les trous de mémoire d’un pays sont le noyau de l’invention littéraire du colombien Juan Gabriel Vásquez. Il s’engage encore un peu plus dans ce roman en étant le « je » de son récit. Son sujet: la transmission de la violence et les théories du complot.

Pour lui le roman est le lieu où peuvent et doivent se détricoter les « versions officielles » lisses comme des souhaits politiques de classes dominantes et si éloignées de ce que tente d’être une vérité historique. Il peut servir à fouailler, quitte à les surexposer, les théories conspirationnistes ou les vérités alternatives pour remonter aux origines de la violence. Celle qui fracasse des pays comme la Colombie (« patrie » de Pablo Escobar). Les manques de l’histoire aiguisent l’imagination et les affects. Mieux vaut un récit qui invente une cohérence et une cohésion sociale bancale plutôt que l’angoisse face aux fantômes du passé! La zone d’ombre est possiblement un fumier où pousse le roman.
« Le corps des ruines » est autobiographie ironique, enquête policière, récit hypnotisant qui dissèque, entre autres événements, deux assassinats politiques marqueurs de l’histoire colombienne.

Vouloir tout traiter en cachette des citoyens, et vouloir qu’à partir de là, ils ne portent pas de jugements faux et n’interprètent pas tout de travers, c’est le comble de la stupidité. 

Spinoza (1632-1677). « Traité politique »

De ce Mot à mot, enregistré à Biarritz à l’occasion du Festival Biarritz Amérique latine (palmarés 2017… )….. on peut retenir

-La question des pères (pairs) en littérature. Juan Gabriel Vásquez est né en 1973 et le fait qu’il ait eu à portée de téléphone ou de café les fondateurs de la tradition littéraire latino-américaine. Pour lui, cette proxmité avec la génération précédente est une richesse culturelle qui ne nécessite pas d’avoir à tuer le père… Il préfère s’inscrire naturellement dans une lignée, contrairement à certains de ses confrères de plume. On peut fantasmer le plaisir qu’auraient pu avoir Jean Echenoz ou Amélie Nothomb à appeler Flaubert ou Madame de Sévigné 😉
– Le fait qu’à l’origine des romans de Vásquez, plutôt qu’une fréquentation assidue des bibliothèques ou des archives qui les documenteraient, il y a le hasard ou l’oralité: un papier qui traîne, une histoire qui lui est racontée. À partir de là, il avance que d’autres matériaux viennent forcément à lui…

« Au cours d’une soirée chez son ami le docteur Benavides, Juan Gabriel Vásquez, auteur et narrateur du livre, fait la connaissance de Carlos Carballo, un personnage étrange, tourmenté par les meurtres d’hommes politiques célèbres. Quels liens y a-t-il entre l’assassinat, en 1948, du leader libéral Jorge Eliécer Gaitán, ceux de John Fitzgerald Kennedy et du sénateur Rafael Uribe Uribe, tué en 1914 à coups de hachette par deux menuisiers ? Pour Carlos Carballo, tout est lié par le complot de puissances obscures. En écrivain passionné par l’histoire et le récit des autres, Juan Gabriel Vásquez ne résiste pas à la tentation d’écouter ce qu’il tient pour des élucubrations et tombe dans le piège que lui tend son interlocuteur. Au cours d’une nuit hallucinée, il se rend chez Carballo pour lire le récit d’un certain Anzola sur la mort d’Uribe Uribe et le procès de ses assassins. Ces fantômes du passé qui réclament vérité et justice manquent de faire vaciller la raison de l’auteur et sèment le doute dans l’esprit du lecteur.

Juan Gabriel Vásquez est né à Bogotá, Colombie, en 1973. Après des études de lettres à la Sorbonne, il a vécu en Belgique et à Barcelone. Auteur de cinq romans, d’un recueil de nouvelles et de plusieurs essais littéraires, son œuvre a été couronnée par de nombreux prix, dont le prix Alfaguara en 2011 pour Le Bruit des choses qui tombent, le prix Roger-Caillois en 2012 et le prix de l’Académie royale d’Espagne en 2014 pour Les Réputations. Ses ouvrages sont traduits dans une vingtaine de langues.«  ©Seuil

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