« Éditeur »: Quand P.O.L (1944-2018) écrivait son film et filmait ses écrivains

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Se débrouiller avec l’enfant qu’on a toujours en soi, chercher par la pellicule la vérité parce qu’un silence d’adulte lui a été imposé et réussir à se construire grâce à la parole des écrivains. Un éditeur parisien se parle ici : la voix off de son film, la « poupée » de l’artiste Gisèle Vienne qui lui ressemble et fige un moment de jeunesse et de bascule, la publication comme nécessité…

 

Et des manuscrits refusés qui attendent que leurs expéditeurs malheureux viennent les rechercher, comme décor…
Nous sommes chez P.O.L à Paris. Trois initiales, celle d’un enfant de « Sablé-sur-Sarthe » (le titre éponyme de son premier long métrage) où commencent et finissent ses films. Paul Otchakovsky-Laurens a failli faire photographe mais maman fut castratrice. Il s’est promené en fac de droit avant de commencer à trouver une voie littéraire comme stagiaire chez Christian Bourgois et de ne plus en sortir. Puis Flammarion, puis Hachette et enfin -en 1983- trois lettres et un logo piqué chez Pérec. La maison, possédée très majoritairement par Gallimard, est une référence de la littérature contemporaine. De Duras à Carrère. De Cholodenko à Juliet. De Darrieusecq à Cadiot.

Vous avez dit : « Avant-garde… » ?     

Ado, le jeune Paul rêvait cinéma. Il y revient avec ce film, ni résolumment fiction, ni tout à fait documentaire. « Éditeur » promène son spectateur dans une introspection. Y est questionnée la « hainamour » qui lie un auteur -en quête et en demande- et ce lecteur premier et tout puissant qui décide ou non de le publier. Cette dialectique qui embarque deux espèces de créateurs peut être cruelle. Elle est toujours subtile et dans ce rapport de pouvoir, il y a de bonnes et de moins bonnes raisons. Le réalisateur a l’honnêteté de ses ambivalences. Paul Otchakovsky-Laurens y joue également du mélodrame en noir et blanc en fantasmant le réel humiliant et moralisant auquel il s’est cogné, qu’il soit horrible banquier faiseur de faillites ou extrémiste patenté et mis en roman. Ses comédiens sont certains de ses auteurs ou de ses collaborateurs. Cet ajout d’abîme et de fantaisie, comme la diversité des textes et des images peuvent perdre celui qui regarde ou écoute, à tout le moins suggérer la première expression de ce Mot à mot : avant-garde! 

Synopsis :

« Pourquoi les uns écrivent et pourquoi d’autres les éditent? Qu’est-ce qui pousse les uns à confier le plus cher d’eux-mêmes, le plus intime, à d’autres qui vont s’en emparer au prétexte de le faire connaître? Qu’est-ce que ça veut dire, éditer des livres? Ou en refuser? Comment et pourquoi devient-on éditeur? Parce qu’on est un philanthrope, un pervers? Pour attacher son nom a plus grand que soi? Parce qu’on est un enfant qui n’a pas grandi? » (Sortie le 29 novembre 2017 dans une salle)
Aux Éditions P.O.L., devant des manuscrits reçus et refusés…  Novembre 2017.
P.O.L (une peu plus de quarante livres publiés par an). Meilleure vente 330 000 exemplaires pour « Le royaume » d’Emmanuel Carrère. À l’opposé, un livre acheté 75 fois… dans un catalogue aussi large qu’exigeant.    
Paul Otchakovsky-Laurens et la "poupée" de Gisèle Vienne qui l'incarne et le fige dans "Éditeur" 

Ressemblance étrange entre le réalisateur d »Éditeur » et la « poupée » -l’enfance et le souvenir d’un abus pour toujours- de la chorégraphe et plasticienne Gisèle Vienne qui est la représentation de cet éditeur en questionnement. 

Tout le monde a des pensées inconvenantes, des curiosités perverses. Les interdire ou les ignorer me semble bien la pire des choses à faire. On vit dans un rapport très moral à la mauvaise pensée, c’est un héritage très catho, hein… Alors qu’il faudrait réfléchir aux façons d’épanouir ce qui nous anime sans mettre en péril la communauté.

Gisèle Vienne. « Libération », 7 décembre 2017.

Gisèle Vienne était l’invitée « Des Mots de Minuit » le 7 mars 2012 :


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