BD. »Un tout petit bout d’elles »: une histoire d’amour contre l’excision

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Fin de la trilogie africaine entamée en 2011 pour Zidrou et Raphaël Beuchot. Après avoir exploré différentes facettes de la société africaine avec une grande poésie, les deux compères concluent sur un sujet dur et pour le moins tabou: l’excision.

Antoinette est Congolaise. Yue est Chinois, né en Belgique. Deux cultures éloignées l’une de l’autre qui pourtant se croisent et s’aiment. Car malgré les interdictions de son patron, Yue fréquente Antoinette. Il l’emmène au cinéma et au restaurant, apporte des cadeaux à sa fille, Marie-Léontine… Là-bas, c’est comme ça que ça marche; « à quoi servent les hommes, sinon?«  demande malicieusement Antoinette. Alors, on passe de bons moments, parfois même on s’attache, jusqu’au jour où. Jusqu’au jour où la réalité crue refait surface… Et la jolie histoire bascule: Yue découvre avec stupeur qu’Antoinette, fillette, a subi une mutilation génitale. Comme 200 millions d’autres femmes dans le monde.

 

Seul avec ses interrogations sur le chantier où il travaille, Yue est perplexe: pourquoi personne ne fait rien pour empêcher de telles atrocités? Pour la tante Béné, ne pas être excisée, c’est être une « sans-mérite« , on ne trouve pas de mari, on est mise au ban de la société. Mais enfin, après tout, « c’est l’affaire des femmes« , dit le fataliste Sassou. Alors, peu se préoccupent vraiment de faire changer les choses. Il n’y a qu’Antoinette pour refuser catégoriquement que sa fille subisse le même sort. Il n’y a que Yue pour s’en mêler, parce qu’il ne comprend pas, ou parce que le poids des tortures imposées aux femmes par tradition, il le connaît. En Chine, celle des « pieds bandés » a fait des ravages jusqu’après 1949, date de l’interdiction de cette pratique. Même condamnée, l’excision, qui n’a aucune légitimité religieuse, continue de se perpétuer. Toutes les 4 minutes dans le monde, une fillette subit une mutilation génitale. 500 000 sont excisées en Europe, 53 000 en France. C’est loin d’être uniquement un « mal africain« .

 

Zidrou et Beuchot traitent leur récit en douceur et en finesse. Depuis Le Montreur d’histoires et ses marionnettes bariolées, la couleur s’est apaisée, l’espace de la case s’est éclairci, semblant dire que le sujet ne nécessite pas plus de décors inutiles. Les paroles se suffisent à elles-mêmes, laissées seules, précises et incisives, sur des aplats beiges. Sans jugement, avec justesse, les auteurs racontent autrement ce terrible fléau et rendent en images les difficultés de contrer celui-ci. « Il y a tellement de choses à enseigner aux gens« , glisse discrètement Sassou au coin d’une case…
Et il faut bien commencer par quelque chose: comme lire cette bande dessinée et son très complet dossier final. 

 

Trilogie africaine Zidrou-Beuchot – Tome 3: Un tout petit bout d’ellesLe Lombard
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