« Vie de ma voisine », de Geneviève Brisac
Dans son dernier roman, Geneviève Brisac prête sa voix à une héroïne dont les parents juifs polonais, membres du Bund*, furent déportés à Auschwitz. Un récit sans pathos qui rend justice aux héros de notre temps.
C’est l’histoire « d’un frêle esquif (qui) a traversé le siècle ». Jenny est née en 1925. Ses parents Rivka et Nuchim Plocki, sont morts en camps. Ils avaient respectivement 42 et 52 ans. Ils étaient juifs, polonais et athées. « A chaque syllabe, ici, le monde rétrécit et se fige. La violence et les malentendus grondent. Oui, on connaît, ne nous cassez pas la tête à radoter sur toujours la même chose. On sait tout ça, on sait tout sur vous. Les Juifs. Les Polonais. Les Athées. » Et pourtant, il est urgent de rappeler les faits encore et toujours. « Ces faits qui glissent sur nous, nous échappent, que nous oublions et ré-oublions encore », écrit Geneviève Brisac qui s’y est employée avec empathie et sensibilité.
La vie de sa voisine a basculé le 16 juillet 1942. « Papa dit: ce n’est pas encore pour aujourd’hui. Et à cet instant précis, on frappe à la porte. Le flic qui est venu nous arrêter est un ancien voisin. » Les Plocki comprennent d’instinct que pour permettre à leurs enfants d’être libérés il faut déclarer qu’ils sont français. « Les autres parents préfèrent (les)garder avec eux, ils pensent qu’ainsi ils pourront les protéger ». En « abandonnant » leurs enfants, Rivka et Nuchim Plocki leur sauvent la vie. Ce sont eux les véritables héros de ce récit qui leur rend un hommage d’autant plus bouleversant que dénué de pathos. Elle, Rivka, qui avait pour modèle Rosa Luxembourg et lutta toute sa vie contre la barbarie et l’obscurantisme et lui, Nuchim à qui la petite Jenny faisait la lecture à haute voix. Elle encore qui apprend à sa fille « à ne pas croire au Père Noël, ni à la petite souris, ni à Dieu, ni à diable, mais seulement à l’amour, à la lutte et à la liberté, (…) à être une femme libre, une femme indépendante. (…) le vrai mot serait mensch. Un mot yiddish qui n’a pas de féminin ». Une leçon que Jenny n’oubliera jamais et qu’elle aura à cœur de transmettre une fois devenue enseignante. Son programme « Poser les questions qui dérangent. Tout est là. Toujours. C’est l’essence de l’esprit d’enfance. » Celui qui donne toute sa vitalité à ce « roman-vrai » écrit sous l’égide de la résistante Charlotte Delbo citée dès les premières pages du livre:
« Vous qui passez habillés de tous vos muscles,
je vous en supplie: faites quelque chose ,
apprenez un pas, une danse,
quelque chose qui vous justifie,
qui vous donne le droit d’être habillé de votre peau, de votre poil.
Apprenez à marcher, et à rire,
Parce que ce serait trop bête à la fin que tant
Soient morts
Et que vous viviez sans rien faire de votre vie »
La vie de sa voisine a basculé le 16 juillet 1942. « Papa dit: ce n’est pas encore pour aujourd’hui. Et à cet instant précis, on frappe à la porte. Le flic qui est venu nous arrêter est un ancien voisin. » Les Plocki comprennent d’instinct que pour permettre à leurs enfants d’être libérés il faut déclarer qu’ils sont français. « Les autres parents préfèrent (les)garder avec eux, ils pensent qu’ainsi ils pourront les protéger ». En « abandonnant » leurs enfants, Rivka et Nuchim Plocki leur sauvent la vie. Ce sont eux les véritables héros de ce récit qui leur rend un hommage d’autant plus bouleversant que dénué de pathos. Elle, Rivka, qui avait pour modèle Rosa Luxembourg et lutta toute sa vie contre la barbarie et l’obscurantisme et lui, Nuchim à qui la petite Jenny faisait la lecture à haute voix. Elle encore qui apprend à sa fille « à ne pas croire au Père Noël, ni à la petite souris, ni à Dieu, ni à diable, mais seulement à l’amour, à la lutte et à la liberté, (…) à être une femme libre, une femme indépendante. (…) le vrai mot serait mensch. Un mot yiddish qui n’a pas de féminin ». Une leçon que Jenny n’oubliera jamais et qu’elle aura à cœur de transmettre une fois devenue enseignante. Son programme « Poser les questions qui dérangent. Tout est là. Toujours. C’est l’essence de l’esprit d’enfance. » Celui qui donne toute sa vitalité à ce « roman-vrai » écrit sous l’égide de la résistante Charlotte Delbo citée dès les premières pages du livre:
« Vous qui passez habillés de tous vos muscles,
je vous en supplie: faites quelque chose ,
apprenez un pas, une danse,
quelque chose qui vous justifie,
qui vous donne le droit d’être habillé de votre peau, de votre poil.
Apprenez à marcher, et à rire,
Parce que ce serait trop bête à la fin que tant
Soient morts
Et que vous viviez sans rien faire de votre vie »
Injonction bouleversante à laquelle Geneviève Brisac répond par ce roman sobre et grave dont la justesse et la simplicité ne sont pas sans rappeler celle de son aînée.
Vie de ma voisine – Geneviève BRISAC – Grasset – 180 pages
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(photo d’illustration © JF Paga)
Les lectures d’Alexandra
La critique Littéraire desmotsdeminuit.fr
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