Chanson. « Les Voyageurs de l’espace », Didier Petit explore le cosmos
Le violoncelliste est accompagné dans cette nouvelle aventure par la vocaliste Claudia Solal et le percussionniste Philippe Foch au fil d’un album conçu comme une navigation intersidérale mettant en musique des textes écrits spécialement par des auteurs contemporains, de Charles Pennequin à Sabine Macher en passant par Eric Pessan, Karin Serres ou Olivier Bleys.
L’air de rien cette nouvelle aventure marque un tournant notable dans le parcours du violoncelliste. Pendant longtemps il a juré que jamais il n’enregistrerait un disque de chansons.
J’ai toujours été opposé à ça parce que j’ai toujours défendu la musique instrumentale. La chanson représente 94% de la musique publiée aujourd’hui et en ce qui concerne les 6% restant dévolus à la musique instrumentale il s’agit pour une bonne part de musiques de films. Je pensais que la chanson était une facilité.
Didier Petit
Comment alors expliquer un tel revirement? D’abord le goût de la découverte, l’envie de défricher des territoires inconnus. Mais cette envie ne serait sans doute pas née sans un intérêt de plus en plus marqué de la part de Didier Petit pour tout ce qui touche à la recherche spatiale lié à sa rencontre avec Gérard Azoulay, archiviste à l’Observatoire de l’Espace au sein du Centre national d’Etudes spatiales.
Cette rencontre est à l’origine de plusieurs projets en relation avec l’espace. Il y a eu en particulier Chute libre, un spectacle de Pierre Meunier auquel participaient Didier Petit et Philippe Foch. Auparavant tous trois s’étaient livrés à l’expérimentation peu banale de l’apesanteur; d’où le titre du spectacle. Une expérience initiatique dont Didier Petit a gardé un souvenir aigu. « L’apesanteur, c’est le chaos, mais ça m’a transformé. Dans l’espace, on n’est pas dans le vide, on est vide. C’est une sensation d’une étrangeté ahurissante. D’un coup, on se rend compte qu’on n’est plus rien et à quel point l’ego est lié à la gravité: ton poids, c’est ton ego. »
Dans le spectacle, il y avait une chanson en relation avec l’espace. En faisant des recherches, Didier Petit a découvert que depuis toujours la chanson avait accompagné le développement des études spatiales. Il s’est alors demandé ce qu’on pourrait écrire aujourd’hui sur ce domaine. À partir de là une commande a été passée par Gérard Azoulay à plusieurs auteurs de textes inspirés de la conquête spatiale au sens large. Olivier Bleys, Sabine Macher, Mariette Navarro, Charles Pennequin, Eric Pessan, Colline Pierré et Karin Serres ont livré chacun leur vision.
Certains de ces textes ont été adaptés d’autres utilisés tels quels. Et c’est ce matériau qui a servi de base aux compositions collectives de l’album Les Voyageurs de l’espace. À l’écoute du disque, qui ouvre par une adaptation de Contact de Serge Gainsbourg, interprété à l’origine par Brigitte Bardot, on comprend d’emblée qu’on ne se situe pas ici dans le contexte classique d’une chanson simplement formatée.
Espace, espaces
Le fait que chaque composition émerge au contraire d’un flux, un peu comme des îlots surnageant au sein d’un mouvement d’ensemble ou des planètes au cœur du cosmos en expansion, contribue amplement à l’originalité du projet. À quoi s’ajoute la diversité des écritures et des thèmes abordés. Passager clandestin de Charles Pennequin évoque l’impossible situation des migrants obligés de dissimuler leur identité. Dans Martine Sabine Macher se souvient des animaux envoyés dans l’espace et en particulier de la guenon Martine qui vola à bord d’une fusée Vesta en 1967. Mariette Navarro rêve de communiquer avec la sonde spatiale dans Philae. Tandis que Didier Petit, lequel à son tour a mis la main à la plume, rappelle dans Son de la lune que toutes les fusées du monde ne nous feront pas oublier que l’espace se situe aussi au-dedans de nous-mêmes.
Si, dans le disque, il donne de la voix tout comme Philippe Foch, c’est bien sûr le chant de Claudia Solal qui domine.
Je n’avais jamais joué avec elle avant ce projet. Son rôle a été très important dans le ciselage des chansons. Quand il fallait se débrouiller avec des mots difficiles à gérer, elle a su à chaque fois trouver la musicalité tout en respectant toujours l’écriture de l’auteur. Cela nous a pris un an pour obtenir le juste équilibre entre la dimension instrumentale et la chanson d’une part et, d’autre part, pour habiller les textes.
La chanson obéit à des règles impitoyables, il faut être précis, simple, concis. On a beaucoup travaillé à partir d’improvisations. Parfois je trouvais une ligne de basse. Parfois Claudia trouvait une mélodie. Ce travail d’approche en studio doit aussi énormément à la présence du producteur Jean Rochard dont l’oreille excellente nous a permis de nous libérer de pas mal de problèmes.
La difficulté tenait tout particulièrement à la singularité des styles de chaque auteur qu’il fallait respecter tout en ne perdant pas de vue la notion d’ensemble. En concert, on ne joue pas les morceaux dans le même ordre que sur le disque, mais l’idée est la même: celle d’un centre très mouvant, animé par une force centrifuge en quelque sorte, au cœur duquel circulent des singularités, un peu comme dans l’espace finalement.Didier Petit à propos de Claudia Solal
Didier Petit, Claudia Solal, Philippe Foch – Les Voyageurs de l’espace (BASTA/Buda musique)
Revue Espace(s) n°13 Traces et résidus éditions Observatoire de l’Espace.CNES
> extrait:
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