« Heather, par-dessus tout », Matthew Weiner: la jeune fille riche et l’ex-taulard

0
362

Le scénariste et producteur de la célèbre série Mad Men signe un premier roman éblouissant de noirceur et de virtuosité. « Une œuvre démente! », affirme James Ellroy. On confirme.

 

Karen et Mark avaient tout pour être heureux. Mark travaillait dans la finance. Gagnait beaucoup d’argent. Certes, « il n’était pas l’homme le plus riche de New York, mais il pouvait s’offrir à peu près les mêmes choses que les autres, sauf peut être les apparitions dans les magazines ». Karen après avoir rêvé un temps de travailler dans l’édition, s’orienta vers les relations publiques « un univers parallèle qui, au- delà du prestige modéré des avant-premières de films indépendants et des ouvertures de restaurants, lui fit presque toucher l’édition du doigt ». Autant dire qu’ils ne déparaient pas dans ces dîners où chacun s’évertuait à mesurer sa réussite à celle de l’autre. Pour couronner le tout ce couple de New Yorkais étaient les parents comblés d’une enfant, Heather, dont chacun leur enviait la douceur et la beauté. Tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mark hésitait à coucher avec sa nouvelle stagiaire. Karen à se faire refaire les seins. Jusqu’au jour où… 

Coup de maître

Car Matthew Weiner, en bon scénariste qui se respecte, déroule dans le même temps une toute autre histoire qui se situe dans un tout autre milieu. Celle de Bobby. Issu d’un milieu défavorisé, il sort de prison et finit par trouver du travail sur un chantier en face de l’immeuble des parents d’Heather. Ebloui par la jeune fille, Bobby se met à la guetter, chaque jour, puis « à l’observer par l’odeur, inhalant la brume de parfum qui traînait à la porte de leur appartement et dans leur poubelle, sa poubelle à elle en particulier, avec ses boules de coton, ses cotons-tiges et autres articles intimes imprégnés de ses arômes ferreux. » Si les ficelles peuvent d’abord paraître grossières – la jeune fille riche et l’ex-taulard – c’est sans compter l’extraordinaire savoir faire de Matthew Weiner qui dès les premières phrases saisit son lecteur au collet pour ne plus le lâcher. S’ensuivent 130 pages aussi sombres que jubilatoires qui pulvérisent tous les fondements de nos sociétés:  les rapports de classes, le mariage et jusqu’à la relation parents-enfants. Rien n’y personne ne sort indemne de ce premier roman qui pour un coup d’essai est un coup de maître.

feuilleter quelques pages

  les lectures d’Alexandra
  la critique littéraire desmotsdeminuit.fr


► desmotsdeminuit@francetv.fr
 la 
page facebook desmotsdeminuit.fr Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.
► @desmotsdeminuit