Alain Deloche et Catherine Malabou: le cœur et le cerveau à l’ouvrage #553

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Réparer le coeur de tous les enfants, inventer un artefact du cerveau humain. Si l’utopie à peine ébauchée est patente avec le cardiologue, l’utopie-dystopie est questionnée par la philosophe. D’un côté, une « simple » histoire de tuyauterie à reconnecter correctement. De l’autre, une mutation existentielle -ce n’est pas rien de penser artificiel- à laquelle résister serait désormais impossible!

 

Ce qui frappe dans le travail de Catherine Malabou, c’est d’abord le doute, quand la philosophe pourrait laisser vagabonder sa réflexion mouvante dans les chemins de traverse de la pensée! Elle a d’abord refusé l’idée que l’IA, autrement dit l’intelligence artificielle, puisse avoir un jour, pas si lointain, à repenser seule, donc à refaire le monde de façon essentiellement non biologique. Des démiurges s’y emploient d’ailleurs à Lausanne et tout le monde sait désormais que la « machine » ne s’arrête pas à tuer l’emploi. Elle joue et gagne. Elle explique ici qu’un pas supplémentaire est à envisager, vers une espèce d’alien-démocratie entre l’humain et l’artificiel qui dépasserait les affrontements chronophages et stériles entre l’être vivant et le constat de son dépassement cybernétique. 

 

« À défaut de définir l’intelligence, les psychologues ont entrepris de la mesurer. Après l’échec des tests de mesure, les biologistes l’ont cherchée dans les gènes. La génétique demeurant silencieuse, c’est le cerveau et son développement épigénétique qui ont construit le nouveau laboratoire de l’esprit. Aujourd’hui, l’intelligence autorise sa propre simulation par les puces synaptiques. Les programmes Human Brain et Blue Brain entendent cartographier le cerveau humain dans son intégralité jusqu’à produire un jour une conscience artificielle capable de s’auto-transformer en accédant à son code source.
Laissant de côté toute déploration technophobe, Métamorphoses de l’intelligence engage le dialogue entre autonomie et automatisme, ouvrant ainsi à l’intelligence la voie prometteuse de la démocratie expérimentale. »
©PUF
Je ne suis qu’un réparateur de tuyaux! : ce qui frappe dans la fausse banalité d’un propos que pourrait tenir le chirurgien cardiaque Alain Deloche ce sont les résultats à prendre en compte. Des milliers de vie sauvées, une médecine mise à portée, entre deux pluies d’obus ou derrière les fortifications, d’enfants malades et de ceux qui les entourent (« La chaîne de l’espoir »). Et quand même, ce n’est pas rien d’avoir été patron dans l’une des cathédrales occidentales du soin dans un trop moderne hôpital parisien. De quoi en contracter une affection singulière : la comparaison des mondes et des conditions humaines. Pas étonnant que ce praticien, adoubé éléphant blanc par un monarque d’Asie, soit aussi à l’origine des barouds des « french doctors » de MSF et de MDM

 

« Un livre dynamique, réjouissant, un véritable roman d’aventures. Une réhabilitation de l’aspect humain de l’acte médical qui manque tellement aux malades, mais aussi aux médecins, dans les grands hôpitaux occidentaux.
Quand, à l’âge de la retraite, il a quitté ses fonctions de chef du pôle cardio-vasculaire de l’hôpital Georges-Pompidou, Alain Deloche n’a pas été trop affecté. Une autre vie l’attendait ailleurs, à La Chaîne de l’espoir qu’il avait créée des années auparavant, pour venir en aide aux enfants des pays défavorisés qu’une simple opération pouvait sauver d’une mort imminente.
C’est cette fabuleuse aventure qu’il nous raconte dans ce livre. Car l’humanitaire est loin d’être une simple affaire de bons sentiments ! Ça commence ici par des  » bricolages « , au Vietnam, au Cambodge ou ailleurs, dans des structures hospitalières de fortune où l’on s’aperçoit en pleine opération à cœur ouvert qu’on a oublié l’oxygène ou le sang pour les transfusions. Sans doute vaut-il mieux opérer les enfants à Paris. Ils seront des milliers, mais les faire venir n’est pas une sinécure.
Pour progresser, il faut aussi se répandre dans les médias afin de trouver l’argent nécessaire. Ça ne marche pas toujours, mais il arrive qu’un couple vienne vous trouver et vous dise :  » Professeur, on a été émus par vos propos, on veut faire un petit geste…  » Quatre millions d’euros ! De quoi envisager la construction d’un hôpital ! Mais il va en falloir beaucoup plus pour réaliser le rêve d’Alain: construire sur place des centres hospitaliers. Il l’a fait. À Saigon, au Cambodge, à Dakar, à Bamako, au point qu’on l’appelle désormais  » Professeur briques-béton. » Sauf que construire ne suffit pas, on doit aussi assurer la formation des équipes sur place. Sauf que de nos jours, en certains lieux, le  » bon docteur blanc  » est devenu un ennemi et doit apprendre à  » sauver sans périr « . Alain Deloche s’en rend compte, mais ne renoncera jamais à sa mission.  » Parce qu’on ne peut pas priver les gens de tout sous prétexte qu’ils n’ont rien.  »
©Michel Lafon

« L’objet qui les prolonge… » :

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