« Le Cheetos Président »🇺🇸 Les carnets d’ailleurs de Marco et Paula #245
Paula, cloîtrée, tourne suffisamment en rond pour passer régulièrement devant une télévision qui tout aussi régulièrement offre du Trump au menu.
En passant devant un poste de télévision en marche, j’ai capté la retransmission d’une conférence de presse du président américain. Je me suis arrêtée, accrochée par l’image de ce président que je trouve assez remarquable (l’image, pas le personnage). Sa chevelure est ce qu’elle est. Son teint m’a semblé malsain avec ses plaques orangeâtes de peut-être trop de temps passé sous la lampe à bronzer (un ami l’appelle le président cheetos, ces gâteaux apéritifs orange) mais il est possible que le poste de télé ait une mauvaise balance des couleurs. En revanche, sa posture m’a réellement perturbée. Il s’agitait beaucoup et fréquemment tournait la tête vers des personnes situées en retrait, comme pour guetter leur approbation.
Et d’approbation, il semblait en avoir bien besoin. Certes mon niveau d’anglais ne me permet pas encore de saisir toutes les nuances, mais ses propos m’ont semblé particulièrement incohérents : des bribes de phrases, des superlatifs comme ponctuation, un débit rapide. La caméra parcourait parfois l’assemblée de journalistes et s’arrêtait souvent sur le visage d’une femme qui, malgré son impassibilité toute professionnelle, me paraissait aussi consternée que moi. D’ailleurs, depuis le début de l’épidémie, des experts des services de santé américains sont atterrés de la façon dont M. Trump brouille tous les messages de précaution en recourant à des approximations, des déclarations optimistes et des pseudos preuves scientifiques. Il n’a pas hésité à dire que selon ses propres calculs, le taux de mortalité n’était que de 1% ou que l’impact de l’épidémie était positif puisque les Américains allaient être obligés de consommer chez eux plutôt qu’à l’étranger et que ça lui plaisait …
C’est donc ça, le président du pays où je réside ! bien sûr, mon regard est biaisé par le peu d’estime que je porte à ce fantoche. Je ne lui fais absolument pas confiance, particulièrement en cette période de risque sanitaire. Heureusement, les institutions américaines sont, il me semble et Marco ne cesse de me le rappeler, assez solides pour ne pas le laisser agir entièrement à sa guise. D’ailleurs, il a dû renoncer à laisser les festivités de Pâques se dérouler normalement (le fameux business as usual) contrairement à ce qu’il avait annoncé une semaine avant. Lundi dernier, les gouverneurs du Maryland où se trouve notre maison et de Virginie où nous résidons en attendant la fin des travaux, ont annoncé le confinement. Ce n’est plus une préconisation mais un ordre. Il faut dire que le week-end dernier, trop de gens ont été batifoler en groupe en bord de mer ou de lacs en dépit du mot d’ordre de respecter la fameuse distance sociale.
Ce matin, je me suis réjouie d’un autre exemple de la capacité de régulation des institutions. Un juge de district a ordonné à la compagnie qui gère le gazoduc de 1 900 km qui traverse le territoire des Sioux de suspendre son exploitation tant qu’elle n’aura pas prouvé que ce gazoduc ne fait courir aucun risque environnemental. Depuis quatre ans, les Sioux dénonçaient ces risques et malgré leurs alarmes, les autorités avaient décidé d’ouvrir les vannes avec l’aval du président. J’espère que celui-ci en mangera sa moumoute.
Des proches me demandent ce qui m’a pris de partir aux États-Unis alors que ce pays a élu comme président un tel individu. Travailler dans l’humanitaire m’a amenée à souvent résider dans des pays gouvernés par des chefs d’État franchement éloignés de mon idéal. Même si ma venue aux États-Unis ne résulte pas d’une motivation professionnelle, je me considère dans un cas similaire; je dois « faire avec ». Être étrangère me permet une distanciation confortable: ce n’est pas mon choix, sans tomber dans le “bien fait pour vous” de sentence telles que « Les peuples ont le gouvernement qu’ils méritent » de Montesquieu ou sa version modifiée un siècle plus tard en « Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite » par un Joseph De Maistre plutôt contre-révolutionnaire.
Aux États-Unis, la nuance importante est qu’au pire, l’individu aura disparu du paysage dans cinq ans. Pas comme Paul Biya, au pouvoir au Cameroun depuis 38 ans, ou Idris Déby au Tchad depuis 30 ans.
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