Il a plu sur la parade… Les carnets d’ailleurs de Marco et Paula #210

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Marco est allé dans le Midwest assister à ce rituel fondamental de la vie américaine: la cérémonie de remise des diplômes de fin d’études

Il pleut, il a plu …

Au début du rituel, pendant les discours et une bonne partie de la récitation des noms des nouveaux diplômés – par ordre alphabétique, sans doute pour ne pas rajouter à la tension déjà existante – le soleil brillait, puis le ciel s’est peu à peu couvert, beaucoup plus tôt qu’annoncé par les services de météo… Et il a plu sur la fin de la cérémonie de remise des diplômes de Carleton College, Northfield, petite université dans la plaine du Minnesota où ma fille a passé ces quatre dernières années. Les derniers noms ont été lus sans plus de précipitation pour autant, et les étudiants en toge sont repartis en procession sous une pluie devenue battante, pendant que les parents se hâtaient vers la grande tente où étaient distribuées les boîtes de pique-nique. Après le décorum, une touche propice de pandémonium; c’était un coup de pouce bienvenu des dieux pour aider étudiants et parents à tourner la page sans trop s’appesantir. La pluie a balayé les tentations de nostalgie. Allez, la fête est finie, il faut retourner dans la vie.

Comme on dit en Américain, il a plu sur la parade…. L’expression exacte est « to rain on someone’s parade », ce qui signifie apporter une mauvaise nouvelle à quelqu’un qui est heureux suite à un évènement particulier. 

Apprendre pour subvertir !

Pour le père nomade, une page aussi se tournait; il ne serait plus nécessaire de courir les contrats au long terme en Afrique pour aider à payer le privilège d’une « éducation libérale » qui, un peu paradoxalement dans une société américaine profondément utilitariste, s’inspire des modèles antique et médiéval et prône une formation humaniste telle qu’on la concevait au temps d’Érasme, quand l’enseignement était basé sur les sept arts libéraux (la grammaire, la rhétorique et la logique – le trivium – et la géométrie, l’arithmétique, la musique et l’astronomie – le quadrivium) et qu’il s’agissait – ainsi – de rendre l’individu libre (libre parce que capable de raisonner, de calculer, d’arguer, etc.). Mais il est vrai que les Pères fondateurs américains lisaient les philosophes classiques et les auteurs humanistes tels que Montaigne et Montesquieu, et, dans ces temps obscurantistes que nous vivons, une telle éducation apparaît, sinon subversive, à tout le moins sérieusement nécessaire, et constituant même quasiment un acte politique (ce qu’elle n’était pas il y a quatre ans, quand ma fille a entamé ses études, dans l’ère éclairée du Président Obama).

Les nomades, donc, vont se poser; le temps des longues tribulations semble arriver à son terme, et il va leur falloir se réinventer une vie, avec seulement des pérégrinations occasionnelles, pour rester connectés à ce vaste monde qu’en parcourant ils ont appris à connaître un peu – oh seulement un tout petit peu ! – et qui, une fois qu’ils sont engoncés dans la vie américaine, peut paraître fort distant au point presque d’être sinon inexistant, en tout cas peu notable ou quasi invisible.

Jeune homme introduit par Venus devant les sept arts libéraux, fresque de la villa Lemmi, par Sandro Boticelli (circa 1484).

Photo d’ouverture : La remise des diplômes à Carleton College, le 15 juin 2019 © John Noltner 

Tout Nomad’s land

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