C’est une maladie dont on parle peu dans les médias. Est-ce parce qu’elle ne frappe que les musiciens? Même si la durée des souffrances est brève, celle-ci est réelle et peut frapper plusieurs fois par semaine la même victime, jusqu’à la laisser à bout de nerfs. Comment, vous ne connaissiez pas cette infirmité, cette disgrâce, ce mal térébrant qu’on appelle la maladie du chewing-gum?
Le virus, quel virus?
Décrivons-le maintenant. Le chewing-gum est généralement classé dans la famille des pathogènes de ce que l’on appelle les « one finger music », ce qui, comme son nom l’indique, regroupe toutes ces mélodies ultra simples, comme une cellule élémentaire, et qui peuvent se jouer à un doigt. Ces mélodies, appelées chewing-gum ont le pouvoir, dès que l’oreille d’un musicien passe à ses côtés, d’entrer dans le conduit auditif du mélomane pour s’y installer jusqu’à troubler et effacer toutes les mélodies subtiles qui pouvaient s’y trouver.
La danse des canards
Une infection
Penchons-nous, maintenant que nous savons de quel virus nous parlons, sur ce groupe des victimes particulièrement exposées et sensibles à ces chewing-gums: les musiciens.
Ce que les non-musiciens ignorent, c’est que les musiciens, étant extrêmement sensibles des oreilles, captant tout ce qui vibre, gobent à la vitesse des ondes sonores, toutes les mélodies qui se baladent sans surveillance. Et les pires, telles les chewing-gums, sont évidemment les plus inévitables. Faut avoir vu un jazzman savant qui ne peut se libérer du clandestino de Manu Chao ou de la Lambada. Il fait peine à voir. Habitué à capter, venant de son écoute intérieure et de sa mémoire des mélodies de Monk ou d’Archie Shepp, de Jon Spencer ou de Bach, le voilà sous l’emprise de quelques notes des Spice Girls ou de Britney Spears, qui lui sont aussi insupportables qu’addictives. Généralement, l’infection se réduit à quelques notes à peine, certes, mais qui s’enroulent en boucles sans fin dans le canal auditif de la pauvre victime. Une hégémonie sonore.
Mais le drame ne serait pas complet, si on n’évoquait pas la double peine qui accompagne cette infection. Aucun des proches du musicien qui souffre ne comprend les douleurs de celui-ci, et ne saisissant pas non plus à quel point c’est irresponsable et criminel de laisser allumer cette musique d’ambiance partout, sonorités diaboliques qui véhiculent, quand le musicien s’y attend le moins, les fameux chewing-gums, il pense être agréable en dispersant ces mélodies empoisonnées traîner sans contrôle dans tous les lieux. Cela peut arriver, vous l’aurez compris, partout. Supermarché, haut-parleur chez le dentiste, musique ambiantale dans un ascenseur; bref tous les lieux où l’on diffuse de la « musak », de la « one finger music », deviennent dangereux pour les musiciens. Quand comprendra-t-on ça? La semaine dernière au restaurant, j’ai vu un homme se lever comme un ressort pour aller demander au serveur de baisser cette musique de fond. Etait-il déjà trop tard? Cet homme devait être musicien, et son immunité au chewing-gum étant très faible, comme tous ses congénères, juste avant l’entrée, il venait de comprendre qu’il risquait de se faire infecter. Peut-être l’était-il dejà?
Alors, la prochaine fois, pensez à eux. Evitons la propagation des chewing-gums dans les lieux publics, c’est le seul moyen de protéger les musiciens et leurs si délicates et fragiles oreilles. Dit en d’autres termes: s’il vous plaît, mesdames et messieurs les non-musiciens, ne laissez pas traîner vos chewing-gums, ou en tout cas, ramasser-les, un musicien pourrait s’y blesser. Merci.
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