Je suis photographe, attelé à la construction d’un « Laboratoire de Lumière ». J’aime l’expression. De fait, je me fabrique un atelier.
Cela faisait plusieurs années que je n’avais pas pris d’ascenseur, que je n’avais pas pris « le temps d’un panorama ». Février 2014, je passe quelques jours dans la ville de Vannes en attendant de partir pour Rennes. L’appartement que me prête un ami est situé au 7ème étage d’un immeuble qui en compte 9 et qui est équipé d’un ascenseur d’une lenteur inouïe; Près de dix étages… C’est « haut » pour cette ville à caractère médiéval entourée de remparts. Il y a peu de meubles dans ce lieu. Il y a les grandes baies vitrées et le balcon. Je me sens comme dans une cabane accrochée au bord d’une falaise. J’ai le vertige. C’est encore l’hiver et sa lumière.
La lumière froide du matin semble figer cette ville que je découvre à l’aube par les toits. L’appartement est sommairement meublé. Dans la seule chambre, un lit, une commode, quelques toiles représentant la Normandie et le mont St-Michel, posées à même le sol. Un salon, où je dormirais. Il est muni d’un confortable canapé-lit, d’une table, de deux fauteuils et d’un écran noir et plat, qui « trône », maître de ce lieu et sur lequel je prends soin de placer un tissu de couleur. Cet objet me gêne par son anti-matière. Je fais la même chose dans les chambres d’hôtel quand je voyage. Mis à part le paysage que m’offre la fenêtre de l’appartement, rien ne m’y m’accroche l’œil.
La lumière est unique en cette fin février. Pendant cinq jours, la vue va me permettre de regarder les teintes de l’hiver éclairer la ville. Chaque heure est différente. Entre deux balades en ville, d’innombrables et d’interminables utilisations de l’ascenseur qui couine, de nuit comme de jour, j’ai photographié ce décor.
Après une forte pluie, l’atmosphère de la ville semble lavée des particules de poussières. La cité est propre, juste un peu de vent perçu à l’œil avec cette cheminée fumante au loin à gauche. J’ai tellement le vertige dans cet appart que je cadre l’ensemble de mes images avec rigueur, de peur de tomber. J’emprunterai souvent l’ascenseur bruyant pour me ravitailler puis reprendre mon poste et attendre les fins de journées.
Pour l’exposition que je dois réaliser en juin 2015, il me faudra, voir des villes et des visages. J’ai exploré pendant des années les éclairages de studios, les flashes, les éclairages tungstène (utilisés pour le cinéma), et finalement très peu la lumière naturelle. Lors d’un reportage le photographe est souvent amené à faire des images dans un laps de temps donné. Emploi du temps rythmé par des horaires de trains ou d’avions. Il n’est pas toujours possible d’attendre un rayon de soleil, on fait avec ! Pendant ces quelques jours et malgré cette sensation de vertige j’ai pu observer… Voir la lumière évoluer sur le même sujet pendant des heures. Par chance, durant cette courte semaine la météo est avec moi. J’y prends des photos et des notes écrites bien que m’a mémoire soit davantage visuelle.
Je peux me souvenir d’autres ascenseurs…
Photo Schindler Couleur. En 1991, la société Schindler France m’a demandé de réaliser une image de différents éléments, composants de la cabine d’un ascenseur (plafonniers, sols, revêtements muraux, boutons de commande). Je propose alors de faire une image plus « amusante » en réalisant une composition de ces différents accessoires. J’ai demandé à faire découper deux madriers de 4 mètres de long pour réaliser des cales en bois que j’utilise pour soutenir et maintenir mes différents éléments les uns à coté des autres, de façon à créer une mosaïque. La prise de vue est réalisée à la chambre 4X5 inches. La prise de vue est faite à 4 mètres de hauteur sur un échafaudage. Il me faudra dix heures de manipulation avec deux assistants pour mettre en place tous les éclairages, les filtres de couleur et les cales en bois. Sur l’image présentée, j’ai demandé à mon assistant de prendre place dans l’image pour lui donner une échelle de taille, ou ce que j’appelle un rapport à la réalité.
Cette même année lors d’un voyage à New-York, je fais cette image en noir & blanc en pensant au directeur de la communication de Schindler. « Un vieux de la vieille » comme on dit, proche de la retraite; Il a un « capital humour » hors pair.
Deux mois après la réalisation de cette photo, je lui offre ce tirage n&b du hall de L’Empire State Building…C’est la société OTIS (un concurrent) qui équipe les soixante-huit ascenseurs de cet édifice vieux de plus de 80 ans. Un clin d’œil qui l’a beaucoup fait rire…
LLL. Semaine 3
À suivre.
Tous les mercredis, Le journal d’un photographe.
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