Je suis ZoĂ©. Je forme avec Robin un petit couple anodin et nous allons devenir gardiens d’üle alors que rien ne nous y prĂ©destinait. Qui n’a pas un jour rĂȘvĂ© d’une telle aventure? Chaque semaine, Ă  tour de rĂŽle, nous partageons un bout de cette nouvelle vie Ă  deux, isolĂ©s du reste du monde.

« Fais de ta vie un rĂȘve, et d’un rĂȘve une rĂ©alitĂ©. » C’est bien gentil ce genre d’injonction sauf qu’on ne vit pas dans une comĂ©die romantique hollywoodienne oĂč le « happy end » est inĂ©vitable, et que l’auteur mĂȘme de cette ritournelle, Antoine de Saint-ExupĂ©ry, a disparu dans les airs sans jamais en revenir. Le rĂȘve, la rĂ©alitĂ©, un crash en avion
 Ça me laisse perplexe. Dans le monde actuel, en pleine rĂ©volte des gilets jaunes, alors que le dĂ©mantĂšlement du service public s’accĂ©lĂšre et que les migrations forcĂ©es se multiplient, c’est carrĂ©ment insultant comme proposition, non? 
Pourtant, c’est bien ce qu’on se propose de vous prĂ©senter ici, une sorte de rĂȘve devenant rĂ©alitĂ©.

RĂȘve en vue 

Je suis ZoĂ©. Je forme avec Robin un petit couple anodin qui se voit propulsĂ© d’un placard Ă  balais aux portes de Paris sur un joyau d’üle dĂ©serte au large de la Bretagne, dans un coin oĂč la pluie s’efface le plus souvent pour livrer chemin au soleil, pas brĂ»lant mais trĂšs doux. Changement radical de vie.

Salut la ville, rĂ©vĂ©rĂ©e, vibrante, oĂč tout se passe. Nous entamons un nouveau chapitre, Ă  l’opposĂ©, sur quelques hectares de terre entourĂ©s d’une mer changeante, pleine de tumulte et d’inconnu. Nous y serons seuls, libres face Ă  nous-mĂȘmes, avec pour mission de garder un trĂ©sor essentiellement peuplĂ© de grands arbres et de lapins. Gardiens d’üle, quelle aventure pour deux citadins! 

Nous avons croisĂ© la route d’une opportunitĂ© rare, nous voulons l’honorer, faire bon usage d’une crĂ©ativitĂ© libĂ©rĂ©e des factures Ă  payer, d’un esprit enfin capable de divaguer sur la foule de possibles qui se profilent lorsque temps, argent et envie sont rĂ©unis. Car c’est lĂ  l’essentiel de ce qui s’annonce: la dĂ©couverte d’un quotidien inĂ©dit, d’un travail auquel nous ne sommes pas exactement prĂ©parĂ©s mais aussi l’apprentissage de la solitude et ce qu’elle implique, du temps pour apprendre, pour lire et faire, pour s’aimer, pour rĂȘver mais aussi pour s’ennuyer ou s’engueuler.
 
Car ce rĂȘve-rĂ©alitĂ©, pour indĂ©cent qu’il puisse paraĂźtre, est comme tout rĂȘve: sa frontiĂšre est mince avec le cauchemar. Cette Ăźle, petite, boisĂ©e, brillante, sent-elle bon la noisette
 ou plutĂŽt le sapin? Difficile Ă  prĂ©voir. A tout instant, l’idylle peut chavirer dans le drame, la dĂ©pression, le dĂ©chirement. Il s’agit quand mĂȘme de s’embarquer Ă  deux caractĂšres un peu bornĂ©s sur une terre solitaire alors que ni l’un ni l’autre ne connaĂźt vraiment la mer, la forĂȘt ni le travail manuel
 C’est donc ce que nous allons raconter chaque semaine: les coulisses d’une mise en situation inĂ©dite qui fait rĂȘver mais sera aussi source de doutes et de galĂšres.

Comment cette aventure est-elle née?

Tout a commencĂ© par Paris oĂč nous avons atterri aprĂšs nos Ă©tudes, poussĂ©s par l’envie de dĂ©couvrir la capitale, ses promesses, son rythme, sa richesse multiculturelle
 Comme beaucoup, nous y avons un peu galĂ©rĂ© mais nous sommes quand mĂȘme parvenus Ă  infiltrer des mondes auxquels nous n’osions mĂȘme pas rĂȘver: Robin s’initie au journalisme culturel, moi Ă  l’édition.
 
De stage en CDD, je dĂ©couvre le mystĂ©rieux processus que traverse un texte avant d’atterrir sur les tables des librairies, lieux pour moi synonymes de dĂ©lectation, de surprise et d’Ă©vasion. Ma naĂŻvetĂ© en prend un coup: la maison d’Ă©dition est une entreprise comme une autre, celle dans laquelle je suis traverse une mauvaise passe, l’enjeu commercial l’emporte souvent sur la qualitĂ© littĂ©raire… Je sais que j’ai une chance incroyable d’ĂȘtre oĂč je suis alors que rien ne m’y prĂ©destinait mais ça ne me convient pas. J’ai l’impression que ma vie se rĂ©sume Ă  mon travail: au sandwich avalĂ© Ă  midi, au nez collĂ© toute la journĂ©e Ă  mon ordi et bien sĂ»r au mĂ©tro, aller et retour. Comment mieux encadrer une journĂ©e passĂ©e enfermĂ©e sous les nĂ©ons d’un bureau qu’en s’engouffrant sous terre pour voir dĂ©filer la misĂšre en baissant les yeux de honte parce que «on peut pas donner Ă  tout le monde»? AprĂšs cette traversĂ©e de Paris, des mails, des mails, des mails. A part ces mails, je ne lis plus, rien, ni livres, ni journaux. Ah si! je lis les titres que Facebook daigne laisser filtrer sur mon mur. Mais je ne vais pas au-delĂ . Je ne sais pas comment je me dĂ©brouille, mes super-collĂšgues font ce que je fais avec en plus une vie de famille, et elles lisent, elles vont au cinĂ©, elles suivent l’actualitĂ© et font les musĂ©es. Moi rien. Je n’ai le temps de rien. Alors j’arrĂȘte.
 
Pour Robin, c’est un peu diffĂ©rent. En tant que pigiste, il a l’avantage d’ĂȘtre libre d’organiser son temps comme il l’entend. Alors il ne gagne pas bien sa vie mais il Ă©crit sur des sujets qui l’intĂ©ressent, va voir de belles expos, devient plus intelligent, rencontre des artistes qui lui tĂ©moignent leur reconnaissance pour l’intĂ©rĂȘt qu’il porte Ă  leur travail. Ce n’est pas rien! Mais c’est une partie seulement du travail, l’autre partie, la plus chronophage, il se retrouve seul, Ă  rĂ©diger ses articles entre l’évier et la porte d’entrĂ©e de notre 20 m2.

Nouveau départ

J’arrĂȘte et tout se goupille vraiment bien. De façon imprĂ©vue et mĂȘme inespĂ©rĂ©e, je continue ce que je faisais mais en tant qu’indĂ©pendante. C’est parfait pour moi, ça me libĂšre de ce qui me pesait le plus, l’enfermement. A priori, je peux travailler d’oĂč je veux, quand je veux, et ça me permet d’envisager de partir de Paris une partie de l’annĂ©e, d’aller respirer ailleurs d’autres fleurs.
 
Pendant que je rĂȘve Ă  tous les possibles qui s’ouvrent Ă  moi, le tĂ©lĂ©phone de Robin retentit, gros d’une annonce qui va changer nos vies. Le gardien d’une Ăźle privĂ©e dont il a eu la chance de fouler le sol l’étĂ© prĂ©cĂ©dent s’en va, il s’est souvenu de l’immense curiositĂ© de Robin pour cette Ăźle qui va bientĂŽt se retrouver en manque d’attentions et de soins. Sans hĂ©sitation, mais aussi sans trop d’espoir, nous postulons


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