📷 Laurence Leblanc, prix Niépce 2016. Photographe de l’invisible

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Enfin au grand jour, cette photographe discrète qui fait de l’Autre son sujet et sa poésie mélancolique.

Le prix Niépce, décerné par l’association Gens d’images, en partenariat avec la Bibliothèque Nationale de France, est la plus prestigieuse distinction décernée en France à un photographe. A la différence du Prix Nadar, qui récompense ponctuellement un livre de photos, il distingue l’œuvre d’un photographe dans sa globalité et, sans doute son devenir, puisque les candidats doivent être âgés de moins de 50 ans. Laurence Leblanc en a 49. Quelques noms sur le palmarès, depuis la création du prix en 1955: Robert Doisneau, Jeanloup Sieff, Jean-Louis Courtinat, Marie-Paule Nègre, Antoine d’Agata, Denis Darzacq…
Nous avions rencontré Laurence Leblanc une première fois en 1998 alors que, dans le cadre du Mois de la photo, elle exposait à la galerie Claude Samuel une série d’images sur les enfants, dont celle ci: « Mina1- Maroc 98« . Dans le commentaire qu’elle en faisait alors, elle posait déjà les bases et les motivations de son travail.

 

Très vite, ma pratique s’est trouvée être une confrontation avec le réel et sa représentation. Faire face au désordre, prendre le temps, m’arrêter, aller au delà des doutes, dépasser la surface des choses et dire ma sensation du monde avec mes propres mots, en remettant en cause les stéréotypes.

Laurence Leblanc

Laurence Leblanc n’est pas photo-reporter. Pourtant c’est bien le réel qui l’interpelle et dont elle veut témoigner, mais à sa façon, en ajoutant à l’authenticité des situations qu’elle croise, la fragilité et la poésie du flou qui laisse au spectateur sa capacité d’interprétation et peut-être de deviner l’invisible.

Impressionnisme
Cambodge, Somalie, Sierra Leone, Madagascar, Brésil, Cuba, récemment Afrique du Sud, elle a parcouru le monde, préférant celui des va-nu-pieds ou des mutilés de toutes sortes qui disent mieux son état.
Au Cambodge, où elle se rend plusieurs fois au début des années 2000, elle part à la recherche de la mémoire qui a été effacée par un génocide. Laissant les commentaires aux journalistes et historiens, elle en rapporte des images impressionnistes et impressionnantes, qui aussi bien que d’autres célèbrent le souvenir d’un massacre qui ne peut pas être oublié.

Rithy, Chéa, Kim Sour et les autres (2000-2001)

En 2006, Laurence Leblanc fait une pause dans son exploration du monde et se pose dans le sien et celui des objets qu’elle rencontre ici. À ces « Objets perdus« , elle donne âme.
Un après, elle expose à la galerie VU – qui l’aura longtemps représentée -, une rétrospective dont le titre résume son entreprise: « To live till death is not easy« . A cette occasion elle est invitée de Des Mots de Minuit.

Elle retourne au Cambodge, elle y connait le cinéaste Rithy Panh qui a consacré son œuvre à la mémoire du génocide. Dans « L’image manquante« , s’opposant aux images de propagande filmées à l’époque, il avait construit un petit théâtre de figurines racontant la réalité qu’il avait vécu, à peine âgé de 13 ans. Des dizaines de personnages d’argile minuscules, à peine un pouce, et pourtant époustouflants d’un réalisme de souffrance, de désespoir, de résignation mais aussi de fierté dissimulée. De ces personnages, qu’elle photographie en gros plan, elle construit D’argile.

L’autre

 

L’idee du commun Afrique du Sud 2015 

Il y a peu d’images sans personnages dans le grand livre de Laurence Leblanc. Quand, tout récemment, elle explore les paysages d’Afrique du Sud, pour une fois encore questionner l’après, celui de l’apartheid, elle y introduit ceux qui y vivent. L’autre est sa raison de vivre, donc de photographier, interpellée pour toujours par les mots d’Emmanuel Lévinas.

Autrui est un maître d’enseignement, sa parole est à écouter. Autrui est en détresse et sa responsabilité m’incombe.

Emmanuel Lévinas

Mes photographies ne donnent pas de réponse, elles suggèrent un dialogue, elles rappellent une certaine attention à l’autre. Une écoute, une patience. En se mélangeant, en se touchant, en se serrant, on est dans l’essentiel de l’être, du sensible. Ainsi on atteint l’ineffable.

Laurence Leblanc

Actes Sud publie les livres de Laurence Leblanc.
Photos-diaporama.

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> Le site de Laurence Leblanc

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