« La tendre indifférence du monde », du kazakh Adilkhan Yerzhanov: magnifique! 🎬
Qui fuirait un film parce qu’il est kazhakh manquerait ici un joyau de pure beauté poétique. Un conte magnifique qui ne s’arrange pas des corruptions qui étouffent les plus faibles.
Une bagarre au milieu d’un champ moissonné, sous les regards indifférents de deux spectateurs, d’un chien et d’une poule en cage. La joute est un jeu entre gens simples dans la campagne kazakhe et c’est Kuandyk qui empoche les quelques billets de la mise. C’est l’ami d’enfance de Saltanat, toujours décorée de sa robe rouge, amitié devenue amoureuse au fil du temps.
La belle jeune femme, hors de son temps et de sa condition, s’enivre dans les livres dont on ne sait comment ils sont arrivés jusqu’à elle: Stendhal, Shakespeare, Camus. Elle les partage avec Kuandyk qui, sous ses allures de rustre paysan, est un artiste qui la dessine à l’infini puisque elle est ce qu’il a « rencontré de plus beau« .
Saltanat est la fille de rien, son père, criblé de dettes louches, vient de se suicider sous ses yeux alors que les huissiers enlevaient les derniers meubles de sa maison déjà sévèrement dépouillée. Face à la ruine et aux besoins de la famille, la mère enjoint sa fille d’aller voir en ville un riche oncle qui pourrait les sortir de la fatalité. Elle s’y résout et part, accompagnée de Kuandyk, en ange gardien. Mais les conditions de l’oncle pour effacer les dettes sont tout autant inacceptables que l’origine de sa fortune est douteuse.
La belle jeune femme, hors de son temps et de sa condition, s’enivre dans les livres dont on ne sait comment ils sont arrivés jusqu’à elle: Stendhal, Shakespeare, Camus. Elle les partage avec Kuandyk qui, sous ses allures de rustre paysan, est un artiste qui la dessine à l’infini puisque elle est ce qu’il a « rencontré de plus beau« .
Saltanat est la fille de rien, son père, criblé de dettes louches, vient de se suicider sous ses yeux alors que les huissiers enlevaient les derniers meubles de sa maison déjà sévèrement dépouillée. Face à la ruine et aux besoins de la famille, la mère enjoint sa fille d’aller voir en ville un riche oncle qui pourrait les sortir de la fatalité. Elle s’y résout et part, accompagnée de Kuandyk, en ange gardien. Mais les conditions de l’oncle pour effacer les dettes sont tout autant inacceptables que l’origine de sa fortune est douteuse.
Voilà le couple livré à lui-même, installé dans une chambre de nulle part illuminée de clairs-obscurs apaisants. Elle fait des ménages, il sait jouer des poings pour gagner une place de manutentionnaire et ne manque pas d’imagination pour tromper leurs découragements. Mais il en faut plus pour les sortir du chaos, la tentation est trop grande, mais dangereuse, de céder aux sirènes d’une société vermoulue par les trafics et les compromissions.
Histoire triste, merveille de poésie et de beauté
Si l’histoire est finalement cruelle, sa narration est d’une impressionnante délicatesse plastique, on chavire autant sur ces destins maudits que sur la superbe façon de les mettre en images qui transforme une évidente économie de moyens en prodiges d’invention cinématographique. Magnifiant des décors soigneusement choisis, les lumières, loin de toute posture esthétisante, subliment des cadres qui peu à peu emprisonnent ces deux anti-héros avant de finalement les libérer, comme enfin ils le décident. « L’amour, lui seul est éternel!« , ainsi veulent-ils se sauver d’un monde corrompu auquel ils sont inaptes. La couleur rouge de la robe de Saltanat virera au noir, rouge et noir, Julien Sorel et Madame de Rênal, ils seront aussi, sans le décider, Bonnie and Clyde.
Discrètement subversif, poétique surtout, le film emprunte son titre à Camus et à son Étranger, lui aussi condamné à mort, qui dans une ultime provocation, une ultime splendeur, lance: « Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. »
Discrètement subversif, poétique surtout, le film emprunte son titre à Camus et à son Étranger, lui aussi condamné à mort, qui dans une ultime provocation, une ultime splendeur, lance: « Comme si cette grande colère m’avait purgé du mal, vidé d’espoir, devant cette nuit chargée de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. »
La tendre indifférence du monde – Adilkhan YERZHANOV (Kazakhstan) -1h40
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