Jacques Higelin (1940-2018) et Bouddha qui lui souffle: Tes enfants, aime-les!
Un grand échalas chanteur se voit recommander par Bouddha d’aimer ses enfants; un petit homme enfermé dans la bibliothèque parce qu’il parle trop et sauvé du massacre parce qu’il est comédien; une pierre volée au Parthénon et un cinéma politique au sens noble du terme; une femelle orang-outang captive de 37 ans; un accordéon au bord du Larsen: on trouve tout dans cette remarquable conversation
Rédaction en chef : Rémy Roche
Production : Thérèse Lombard et Philippe Lefait
Jacques Higelin, le « révolté flamboyant » avec le comédien Dieudonné Niangouna, l’accordéoniste Pascal Contet, le cinéaste Costa-Gavras, le documentariste Nicolas Philibert
Devant ce bouddha, la voix intérieure est venue et m’a dit: « qu’est-ce que je peux faire pour mes enfants? Qu’est-ce que je peux faire de mieux? Il y a eu un long silence et comme une petite voix intérieure m’a dit: « Aime-les! » et ça m’a complètement bouleversé… Je suis resté encore longtemps et je n’ai entendu que ce petit mot: aime-les!
Jacques Higelin. Des mots de minuit, 2010.
C’était la dernière barricade quand on quittait la forêt après deux ans d’emprisonnement et de torture… Il était trois heures du matin. On nous a alignés et ils ont commencé à tirer. Autour de midi, un soldat, un vrai tueur d’hommes me fixait avec sa barbe hirsute… Il m’a dit: « toi! » et tout s’est écroulé en moi à la minute. Je n’entendais plus rien jusqu’à ce qu’on me secoue. Il m’a dit: « Tu es comédien? -Oui! » Il a chargé son arme. Puis il a dit: « Il fallait le dire avant tout! » et il m’a libéré. J’ai pris le chemin, je ne sais même plus lequel. Il m’a rattrapé: « Je t’ai libéré parce que tu es comédien, alors tu restes comédien. Le jour où je te croise à Brazzaville et où tu n’es plus comédien, je te tue! »
Il m’a sacré comédien!
Ce qui sort de mon corps, ce sont des mots!Dieudonné Niangouna. DMDM, 2010.
« Rien ne décrit mieux l’écriture de Dieudonné Niangouna que le nom de la compagnie de théâtre qu’il a fondée en 1997 avec son frère Criss: Les Bruits de la rue. Son œuvre littéraire se nourrit en effet de la rue, reposant sur un langage explosif et dévastateur, à l’image de la réalité congolaise. À ses compatriotes, comme à tous les spectateurs qu’il rencontre bien au-delà des frontières du Congo-Brazzaville, il propose un théâtre de l’urgence, inspiré d’un pays ravagé par des années de guerre civile et par les séquelles de la colonisation française. Un théâtre de l’immédiateté, dans une société où il faut résister pour survivre quand on est auteur et comédien. Un théâtre protéiforme qui fait appel à la langue française la plus classique comme à une langue populaire et poétique, nourrie de celle du grand écrivain congolais Sony Labou Tansi. Conscient de la triple nécessité pour le langage théâtral d’être à la fois écrit, dit et entendu, Dieudonné Niangouna se sert d’images et de formules empruntées à sa langue maternelle et orale, le lari, pour inventer un français enrichi et généreux, une « langue vivante pour les vivants » que l’on a déjà pu entendre à Avignon en 2007, quand Dieudonné Niangouna a fait résonner dans la nuit du Jardin de la rue de Mons son incroyable monologue : Attitude Clando. » ©Festival Avignon
Il est accompagné dans son spectacle par l’accordéoniste Pascal Contet.
Cette dialectique entre l’instrument et les mots… parce que nous partageons les déchirures que l’on a tous à l’intérieur. En ce qui me concerne, lorsque Dieudonné m’a montré son texte, je ne lui ai pas dit tout de suite mais on sent le rythme, on sent qu’on palpe quelque chose, une force. Et je sentais aussi une sorte de rage, je ne dirais pas une révolte mais, en tout cas, quelque chose de très engagé.
Pascal Contet. DMDM, 2010.
Aujourd’hui ça devient flou partout. On parle de mondialisation… l’économie, les relations avec les gens… et très souvent, on ne sait pas où donner de la tête. Il y a des gens très bien à droite et des gens pas bien du tout à gauche! Ça se mélange. Il est vrai qu’une certaine droite voit le monde d’une certaine manière, accepte le racisme d’une certaine manière même si ce n’est pas dit… acceptait le colonialisme… accepter sans accepter mais accepte dans le fond la pauvreté ou que les gens vivent d’une manière indigne. La gauche, en principe, c’est l’inverse… Je pense qu’avec l’âge et la sagesse -il rit- on découvre des gens tout à fait différents!
Costa Gavras. DMDM, 2010.
On n’a pas besoin de prendre un thème ouvertement politique pour faire un cinéma politique… On peut faire un cinéma politique en parlant de petites choses du quotidien parce que le quotidien des gens, c’est la santé, l’école, la culture. Le cinéma politique n’est pas forcément celui qui va prendre fait et cause.
Nicolas Philibert. DMDM, 2010.
Son « objet »: un « petit truc », une fève trouvée par un copain à l’accasion de la fêtedes rois: un orang-outan!
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