Phase de mutation intra-académique et jargon administratif… ça vous tente, vous, l’Éducation Nationale?
Quand j’en ai assez de rédiger, c’est là que le véritable enfer commence…
Je dois continuer à m’occuper de mon affectation pour l’année prochaine. Parce que comme je suis agrégée, je n’ai évidemment pas le droit de toucher le chômage au terme de mon contrat doctoral – ce que font la plupart des doctorants enseignants qui n’ont pas passé un concours de l’Éducation Nationale. Dans leur cas, c’est évidemment l’idéal pour finir sa thèse sans avoir à donner de cours, puisqu’ils peuvent toucher le chômage pendant un an environ. Par contre, quand un doctorant a eu le Capes ou l’agrégation, le statut de fonctionnaire est à la fois une sécurité et un piège: il est obligé chaque année d’être affecté à l’Université (en CDD dont le renouvellement est un peu plus difficile chaque année) ou dans le secondaire, comme remplaçant ou titulaire.
Quand un doctorant espère rester à l’Université, ce qui est mon cas, il doit donc passer plusieurs mois à postuler pour ces fameux postes d’ATER (des CDD d’un an) tout en remplissant des vœux pour être affecté dans le secondaire, au cas où il n’obtiendrait pas ces CDD que tout le monde s’arrache. Chaque semaine, je vais donc regarder sur le site du ministère si de nouveaux postes d’ATER ont été publiés – sachant qu’ils impliquent une certaine mobilité puisqu’ils sont presque tous en Province.
Et j’essaye en parallèle de comprendre le Bulletin Officiel (BO) que le Ministère a mis en ligne pour la « phase de mutation intra-académique« , c’est-à-dire le mouvement d’affectation des enseignants au collège ou au lycée. Comme j’ai été affectée dans l’Académie de Versailles, je dois remplir des vœux pour indiquer si je préfère un département (les Hauts-de-Seine, les Yvelines, l’Essonne, le Val d’Oise?), un groupement de communes (Sarcelles et ses environs?) ou une commune (Garges-lès-Gonesses?). Sachant que quand on postule à l’Université, on est obligé de soumettre des vœux en tant que TZR (Titulaire en Zone de remplacement), ce qui implique :
1/ Que mes vœux ne seront évidemment pas pris en compte, puisque je n’ai pas assez d’ancienneté et ne suis pas encore syndiquée.
2/ Que je serai affectée dans cinq ou six lycées différents, comme remplaçante, si je n’obtiens pas un poste d’ATER à la fac.
Bref les vœux que je vais émettre seront à peu près aussi inutiles que les efforts du héros de la Recherche pour que M. de Norpois le recommande à Gilberte, mais j’essaye néanmoins de lutter contre ma phobie administrative et tente de comprendre le BO, qui nous invite à prendre connaissance de la « note de service, relative au mouvement national à gestion déconcentrée des personnels enseignants du second degré« . C’est quoi une gestion « déconcentrée » des personnels enseignants? Bon, sans doute l’idée qu’il ne faut pas que tous les profs se retrouvent à Paris et dans des lycées agréables – et que les jeunes agrégés se retrouvent en Seine-Saint-Denis à 1h30 de chez eux. Et en effet, quelques lignes plus loin, le BO précise que cette phase d’affectation vise à mieux répartir sur le territoire « la ressource enseignante« . Élégant cette périphrase. En somme, les enseignants sont donc incités à choisir des zones ou des lycées difficiles du type REP, comprenez Risque Élevé pour les Professeurs, pardon Réseaux d’Education Prioritaire, ou encore REP + si les insultes et les menaces ne vous inquiètent pas plus que ça quand elles viennent d’une classe de trente élèves face auxquels vous êtes seul. Mais comme il faut bien une carotte, l’Éducation Nationale fait miroiter, à ceux qui choisiraient ces zones de REP ou REP +, quelques points de bonus dont on peut espérer tirer un bénéfice – d’environ 50 euros par mois – après vingt ans de carrière:
« Ainsi, aucun élément de barème ne peut avoir une valeur supérieure à celles conférées au titre de la réaffectation suite à mesure de carte scolaire ou retour de congé parental, du rapprochement de conjoints, du handicap ou de l’exercice de fonctions dans les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles. »
Décidément, plus jamais je ne pourrai corriger les copies de mes élèves quand ils écrivent « suite à » pour donner une illusion de dynamisme à une phrase incompréhensible.
A suivre.
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