Une poésie visuelle sur fond de scandale humanitaire. Faire du beau avec du laid.
Le souffle – Alexander KOTT (Russie) – 1h35
Un homme vit avec sa fille dans une masure plantée au milieu d’une vaste steppe du Kazakhstan. Un petit bâtiment dans un nulle part, en bordure un arbre mort très beckettien au milieu d’un désert de vie. L’homme rêve d’être pilote, il doit se contenter d’un camion hors d’âge avec lequel il bricole on ne sait trop quoi. La jeune fille est d’une grande beauté, regard noir en amandes, encadré par deux longues tresses. Le père et sa fille s’aiment mais ne se parlent pas, le film n’a pas de dialogues, on y entend que les sons de ce no man’s land, savamment mixés ici ou là à une musique sans autres effets.
Le souffle raconte peu, il rêve. Dans cette poésie onirique, la belle jeune fille est courtisée par deux hommes. L’un est un solide cavalier qui l’emmène chevaucher l’espace infini, l’autre est un photographe naufragé aux allures chapliniennes qui, à la nuit, projette sur les murs de la bâtisse le portrait de sa désirée. Mais une nuit d’orage, le rêve tourne au cauchemar quand des hommes armés viennent passer les lieux au compteur Geiger, humiliant son propriétaire qui n’y survivra pas. L’agression annonce une issue atomique et fatale.
Le souffle est censé se passer en 1949, au moment du démarrage d’un programme d’essais nucléaires effectués cyniquement par les soviets dans un Kazakhstan pourtant habité, tuant et laissant lourdement handicapées de nombreuses victimes: mesurer l’impact de la bombe sur les humains, c’était l’objet de l’expérience. Mais le film n’a rien d’un documentaire, à peine un pamphlet sur la violence des scientifiques et des militaires sur les populations qu’ils ont exposées.
On le comprend vite, le scénario ne sera ni palpitant, ni réaliste, l’entreprise est avant tout esthétique. Dans des cadres millimétrés, les paysages sont d’enfer, les gros plans renversants, c’est beau, très beau, parfois trop. On ne reprochera pas à un cinéaste de faire de la belle image, au spectateur, à l’occasion, de s’y complaire.
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