Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #144: La soupe quantique des nomades …
Devinette de Marco pour les accros de la rubrique: Il fait gris, où suis-je?
La vie des nomades semble suivre le principe d’indétermination d’Heisenberg – n’allez pas imaginer que je sois un crack en physique, je vous en parle car, plus tôt aujourd’hui, alors que je furetais à la devanture d’un marchand de journaux de la station de métro Place d’Italie, je suis tombé sur un petit fascicule avec un titre grandiose “Les Théories Scientifiques – 23 théories expliquées”. Évidemment, j’ai craqué. Le principe d’incertitude d’Heisenberg fait partie de ces théories.
Donc, les nomades et Heisenberg! Le principe d’incertitude d’Heisenberg dit que l’on ne peut pas connaître à la fois la position et la vitesse d’une particule subatomique. Bon, très bien, me direz-vous, mais comment les nomades peuvent-ils nager en pleine soupe quantique?
C’est simple: soit les nomades ne bougent pas – on connaît donc leur position mais on ne peut pas calculer leur vitesse ; soit ils bougent, et alors on peut calculer leur vitesse mais on ne peut pas savoir où ils sont. Bref. On peut dire que c’est une sorte de pataphysique qui tourne en rond sous un ciel gris. Ou dans le métro.
Comme vous pouvez le constater, ça ne tourne pas complètement rond dans la tête de ce nomade. C’est ce qui se passe quand il est dans sa phase “je n’ai pas de contrat”, comme en ce moment – et donc pas de domicile fixe. Ni de calendrier prévisible. Comment, dans ces conditions, mener une vie normale ? Nous sommes à Paris pour un temps parfaitement incertain, et il faut tirer des plans sur la comète : je suis tenté de passer toutes mes journées à courir voir tous mes amis sous prétexte que je ne les ai pas vus depuis longtemps, MAIS, il faut aussi que je travaille (par exemple, pour décrocher l’imprévisible prochain contrat, ou bien pour terminer les rapports en souffrance du dernier).
En même temps, nous n’avons pas le luxe de prendre tout notre temps pour voir nos amis. Qui sait, dans une semaine un nouveau contrat pourrait nous propulser sous des latitudes exotiques pour une durée indéterminable – un mois, un an, trois ans? Alors, devrons-nous reporter la rencontre avec ces amis d’encore un an, ou de trois ans? Ne plus les revoir?
C’est que, plus le temps va, moins nous avons toute la vie devant nous. Si je sors mes tables actuarielles, combien de fois encore aurais-je le privilège de revoir ces amis que je ne vois qu’une fois toutes les quelques années. Faudrait-il, pour cette raison, que j’aille voir ces amis toutes les semaines tant que je suis là, dans cette ville où, il y a maintenant longtemps semble-t-il, je les avais rencontrés et fréquentés avec insouciance, sans prêter attention au temps qui allait passer. Cela pourrait bien les agacer.
Pour retomber sur me pieds, il faut peut-être que je me transforme en chat quantique, à la Schrödinger. Je suis là, et je ne suis pas là. Peut-être. Surtout si il fait gris.
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