Je suis ZoĂ©. Je forme avec Robin un petit couple anodin et nous allons devenir gardiens dâĂźle alors que rien ne nous y prĂ©destinait. Qui nâa pas un jour rĂȘvĂ© dâune telle aventure? Chaque semaine, Ă tour de rĂŽle, nous partageons un bout de cette nouvelle vie Ă deux, isolĂ©s du reste du monde.
Pourtant, c’est bien ce qu’on se propose de vous prĂ©senter ici, une sorte de rĂȘve devenant rĂ©alitĂ©.
RĂȘve en vue
Salut la ville, rĂ©vĂ©rĂ©e, vibrante, oĂč tout se passe. Nous entamons un nouveau chapitre, Ă lâopposĂ©, sur quelques hectares de terre entourĂ©s dâune mer changeante, pleine de tumulte et dâinconnu. Nous y serons seuls, libres face Ă nous-mĂȘmes, avec pour mission de garder un trĂ©sor essentiellement peuplĂ© de grands arbres et de lapins. Gardiens dâĂźle, quelle aventure pour deux citadins!
Nous avons croisĂ© la route dâune opportunitĂ© rare, nous voulons l’honorer, faire bon usage d’une crĂ©ativitĂ© libĂ©rĂ©e des factures Ă payer, dâun esprit enfin capable de divaguer sur la foule de possibles qui se profilent lorsque temps, argent et envie sont rĂ©unis. Car câest lĂ lâessentiel de ce qui sâannonce: la dĂ©couverte dâun quotidien inĂ©dit, dâun travail auquel nous ne sommes pas exactement prĂ©parĂ©s mais aussi lâapprentissage de la solitude et ce quâelle implique, du temps pour apprendre, pour lire et faire, pour sâaimer, pour rĂȘver mais aussi pour sâennuyer ou sâengueuler.
Car ce rĂȘve-rĂ©alitĂ©, pour indĂ©cent quâil puisse paraĂźtre, est comme tout rĂȘve: sa frontiĂšre est mince avec le cauchemar. Cette Ăźle, petite, boisĂ©e, brillante, sent-elle bon la noisette⊠ou plutĂŽt le sapin? Difficile Ă prĂ©voir. A tout instant, lâidylle peut chavirer dans le drame, la dĂ©pression, le dĂ©chirement. Il sâagit quand mĂȘme de sâembarquer Ă deux caractĂšres un peu bornĂ©s sur une terre solitaire alors que ni lâun ni lâautre ne connaĂźt vraiment la mer, la forĂȘt ni le travail manuel⊠C’est donc ce que nous allons raconter chaque semaine: les coulisses d’une mise en situation inĂ©dite qui fait rĂȘver mais sera aussi source de doutes et de galĂšres.
Comment cette aventure est-elle née?
De stage en CDD, je dĂ©couvre le mystĂ©rieux processus que traverse un texte avant d’atterrir sur les tables des librairies, lieux pour moi synonymes de dĂ©lectation, de surprise et d’Ă©vasion. Ma naĂŻvetĂ© en prend un coup: la maison d’Ă©dition est une entreprise comme une autre, celle dans laquelle je suis traverse une mauvaise passe, l’enjeu commercial l’emporte souvent sur la qualitĂ© littĂ©raire… Je sais que j’ai une chance incroyable d’ĂȘtre oĂč je suis alors que rien ne m’y prĂ©destinait mais ça ne me convient pas. Jâai lâimpression que ma vie se rĂ©sume Ă mon travail: au sandwich avalĂ© Ă midi, au nez collĂ© toute la journĂ©e Ă mon ordi et bien sĂ»r au mĂ©tro, aller et retour. Comment mieux encadrer une journĂ©e passĂ©e enfermĂ©e sous les nĂ©ons dâun bureau quâen sâengouffrant sous terre pour voir dĂ©filer la misĂšre en baissant les yeux de honte parce que «on peut pas donner Ă tout le monde»? AprĂšs cette traversĂ©e de Paris, des mails, des mails, des mails. A part ces mails, je ne lis plus, rien, ni livres, ni journaux. Ah si! je lis les titres que Facebook daigne laisser filtrer sur mon mur. Mais je ne vais pas au-delĂ . Je ne sais pas comment je me dĂ©brouille, mes super-collĂšgues font ce que je fais avec en plus une vie de famille, et elles lisent, elles vont au cinĂ©, elles suivent lâactualitĂ© et font les musĂ©es. Moi rien. Je nâai le temps de rien. Alors jâarrĂȘte.
Pour Robin, câest un peu diffĂ©rent. En tant que pigiste, il a lâavantage dâĂȘtre libre dâorganiser son temps comme il lâentend. Alors il ne gagne pas bien sa vie mais il Ă©crit sur des sujets qui lâintĂ©ressent, va voir de belles expos, devient plus intelligent, rencontre des artistes qui lui tĂ©moignent leur reconnaissance pour lâintĂ©rĂȘt quâil porte Ă leur travail. Ce nâest pas rien! Mais câest une partie seulement du travail, lâautre partie, la plus chronophage, il se retrouve seul, Ă rĂ©diger ses articles entre lâĂ©vier et la porte dâentrĂ©e de notre 20 m2.
Nouveau départ
Pendant que je rĂȘve Ă tous les possibles qui sâouvrent Ă moi, le tĂ©lĂ©phone de Robin retentit, gros dâune annonce qui va changer nos vies. Le gardien dâune Ăźle privĂ©e dont il a eu la chance de fouler le sol lâĂ©tĂ© prĂ©cĂ©dent sâen va, il sâest souvenu de lâimmense curiositĂ© de Robin pour cette Ăźle qui va bientĂŽt se retrouver en manque dâattentions et de soins. Sans hĂ©sitation, mais aussi sans trop dâespoir, nous postulonsâŠ
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