🎥 « 12 jours » de Raymond Depardon: Filmer la loi et le flou des esprits
Elle se dit harcelée au travail. Il porte aux poignets les traces de sa contention. Elle veut revoir sa petite fille placée en famille d’accueil. Lui demande qu’on rassure son père qu’il a tué il y a dix ans. Le juge et la chimie sont d’autres personnages principaux de ce nouveau film documentaire où se regardent « la folie » et la misère du monde. Pas nous! Que nous!
12 jours…
Dont acte. Et le juge – qu’il soit bienveillant, semble dépassé ou neutre – n’est pas médecin et la volonté de suicide est, sinon indicible et pour cause ici, du moins inécoutable. C’est le plus « angoissant » de ce film qui met, dans un dispositif de cadrage identique, face à face une humanité et la loi censée la protéger. Et rien ne se passera jamais d’un cri, d’un geste, d’un énervement qui remettrait en cause une mécanique dans laquelle, avocats, curateurs ou infirmiers font figuration. Les psychiatres n’assistent pas à ces audiences entre lesquelles le réalisateur filme des couloirs, des chambres fermées, une cour bordée de hautes grilles infranchissables, quelques patients inscrits dans la routine d’une promenade en boucle ou la compulsion tabagique.
Raymond Depardon est dans une distance documentariste dont il dit la difficulté quand nous le rencontrons pour ce mot à mot à l’occasion du Festival du film de Sarlat. Difficulté de rester à distance de son sujet – déjà abordé dans « San Clemente » ou « Urgences » – de laisser l’empathie hors champ. Bien sûr, il y a cette patiente qui remercie pour le café offert par l’équipe mais l’essentiel est dans cette part inaccessible de l’humain qui se voit ici et qui fait écho à ce que nous pensons ne pas mais pourrions être…
(Sortie en salles le 29 novembre 2017. Alexandre Desplat pour la musique et Claudine Nougaret pour le son et la production)
Liberté et santé mentale…
Le consentement étant la régle d’or en matières de soin, la psychiatrie apparaît comme une exception dans la loi « en cas de troubles psychiatriques sévères affectant la conscience…» Une loi de 2011 a, pour mieux encadrer l’exception, prévu l’intervention du juge des libertés et de la détention dans le contrôle de l’administration des soins sans consentement; celui-ci, dans les douze jours, doit donner son aval à cette décision. Dans un cas sur dix, la décision médicale est invalidée. Le texte prévoit également la possibilité de soins ambulatoires obligatoires.
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Le site du festival du film de Sarlat
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