« Britannicus » : Braunschweig et la naissance de Néron, monstre en devenir.

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Les tyrans politiques, une histoire antique que Jean Racine revisitait avec « Britannicus ». Quatre siècles plus tard, Stéphane Braunschweig, le nouveau directeur de L’Odéon, s’empare à son tour de Néron, le monstre naissant. Il choisit d’installer sur la scène de la Comédie-Française une ambiance élyséenne mais les comédiens, très appliqués, ne prennent pas beaucoup de risques.

Néron, fils d’Agrippine, prend illégitimement la place de son demi-frère Britannicus, sur le trône. Une nuit, il décide de séduire Junie, la promise de Britannicus, qu’il n’a jamais vue et la fait prisonnière. Un enlèvement stratégique. Il a peur des rivaux qui auraient pu reprendre leurs droits sur Rome. Cet amour stratégique aux airs de romance, est dicté par la jalousie d’un frère qu’il redoute et qu’il a décidé d’évincer de la vie politique. 
Agrippine est elle sur le chemin de la disgrâce. Car si ce qui se joue devant nous, concerne la tragédie de Britannicus, la chute d’Agrippine est un sujet tout aussi funeste. Manipulatrice et immorale, prête à tout pour arriver à ses fins, elle a épousé son oncle et placé son fils à la place de l’héritier de l’empereur. Elle régit la vie de Néron, va jusqu’à choisir celle qu’elle met dans son lit. Une femme de tête, qui tire les ficelles dans l’ombre de sa créature.

 

Sur son trône avec lui j’allais prendre ma place.

Néron, monstre en devenir, avide de gloire, dispose de toutes les semences de ses futurs crimes et s’affranchit de ses tutelles. Agrippine en fait les frais et va perdre son influence pour être, à son tour, vaincue.

Une belle fresque contemporaine. Une leçon sur les détenteurs du pouvoir et un avertissement contre les jouissances de la puissance. Dans la même veine qu’Ivo Van Hove, avec « Kings of War », Stéphane Braunschweig met en lumière l’avidité à gouverner. Il joue entre visible et invisible, passant du public à l’intime. La pièce se déroule dans un décor contemporain: une salle de réunions officielles, moquette rouge, longue table, chaises de conseil des ministres. Les murs sont gris et froids. Aucun objet de décoration mais une structure scénique innovante et discrète. De part et d’autre de la salle de réunion, sont disposées des portes blanches déclinées en quinconce. Les murs sont escamotables en fonction de la confidentialité ou du secret des propos. Qu’assume-t-on au regard de tous? Que dissimule-t-on? Plans perfides, conflits d’intérêts et luttes de pouvoir.

J’embrasse mon rival mais c’est pour mieux l’étouffer.

Pour sa première mise en scène au Français, Stéphane Braunschweig insuffle une modernité qui fait écho à notre système politique. Novice, elle aussi, au sein de cette grande institution, Dominique Blanc, une Agrippine réfléchie et tempérée. Face à la peur d’une déchéance proche, elle conserve son aplomb et ne faiblit jamais. Elle apparaît pourtant dépourvue de ce vice et de ce désir de domination qui ronge le personnage. Laurent Stocker offre à Néron son aspect juvénile et hésitant. Capricieux et immature, consumé par sa volonté d’accéder au trône. La paranoïa semble absente de son jeu, un élément déterminant dans ses doutes et ses actes meurtriers. Stéphane Varupenne qui incarne Britannicus mêle douceur et désir de justice de manière un peu lisse. A ses côtés: Junie, dégoûtée par les complots qui l’entourent. Georgia Scalliet en fait une femme sombre et fragile, consciente et résignée.

 

Britannicus, de Jean Racine – mise en scène Stéphane Braunschweig
Paris – Comédie Française, jusqu’au 23 juillet 2016

Sortir avec desmotsdeminuit.fr



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