Alour, Hersch, Lema, Nardin, Pourquery: Jazz in Marciac, côté « Astrada »
Dans quelques heures, les clameurs se seront tues à Marciac. Toutes? Pas à l’Astrada, l’autre lieu du festival qui célèbre le jazz toute l’année.
Mais JIM, comme disent les habitués, c’est aussi une salle plus modeste (500 fauteuils). Modeste par la taille, pas pour son confort et ses équipements, pas non plus pour sa programmation. L’Astrada, c’est le repos du festivalier qui, cette année encore, y aura écouté de près quelques pointures en devenir, parfois moins connues, toujours à découvrir.
Exemples…
Les allures distinguées de Sophie Alour
Elle semble d’abord impressionnée (comme beaucoup d’autres) d’être à l’affiche de l’un des plus importants festivals de jazz européens mais une composition de Wayne Shorter la libère. La voici, toute en sensibilité et nuances, sans artifices gestuels, dans un sensuel corps à corps avec son sax ténor. On entend l’influence de l’un de ses maîtres, Stan Getz, peut-être aussi le souffle rauque et volontaire d’un Archie Shepp.
Un moment de grâce, pas seulement parce qu’elle est femme.
A ses côtés, le pianiste Alain Jean-Marie, dont on sait qu’il est bien plus qu’un sideman: sa discrétion épurée construit les délicats écrins des belles allures de Sophie Alour.
La soirée se poursuit avec le trio de l’américain Fred Hersch, impressionnant et impressionniste pianiste, disciple de Bill Evans. Flanqué d’un contrebassiste et d’un batteur (les mêmes depuis 9 ans: ça se voit et ça s’entend), il enchaîne ses compositions et des reprises très personnelles de standards (troublante visite de For No One des Beatles, par exemple). On ne se lasse pas de ses subtilités harmoniques.
Sur les routes de Ray Lema
Ray Lema est en fait un déraciné joyeusement éclectique. S’il entame son set avec une chanson en bambara, il poursuit immédiatement avec un hommage à Jean-Sébastien Bach. Et puisqu’il a également fréquenté les chaloupages brésiliens, il célèbrera aussi Antonio Carlos Jobim. Sur le côté de la scène, installé devant son immense piano, il dirige discrètement, un peu comme un papa transmetteur, un quintet formé de musiciens plus jeunes, notamment un formidable bassiste, le martiniquais Michel Alibo qui n’a pas grand chose à envier à Marcus Miller, lui aussi présent cette année à Marciac.
Invité sur quelques morceaux, l’italien Fabrizio Bosso, un écorché vif de la trompette, viendra y imprimer ses chorus bouleversants.
Pour le meilleur et Pourquery
Il faut voir Thomas Pourquery sur scène pour en apprécier toute la puissance, son extravagance et… son humour.
Voilà un doux énergumène couvert de récompenses diverses qui balaie les frontières et les conventions. C’est presque devenu un cliché de dire qu’il est inclassifiable, mais c’est bel et bien une découverte que d’assister à son show (il n’y a pas d’autre mot) entouré des membres de son sextet Supersonic. Tous barrés ses musiciens? Peut-être un peu mais d’abord des musiciens, d’excellents musiciens.
En fond de scène, Edward Perraud un fou (au sens propre?) de la batterie, acrobate et clown des baguettes; un peu caché derrière son piano, Arnaud Rollin parfois secondé au synthé par Laurent Bardainne, d’abord as de pique du sax ténor. A la guitare basse, demandez Frederick Gallais, tricotant fougueusement ses 4 cordes. A peine plus discret, en tout cas très british en costard (mais sans cravate) Fabrice Martinez, trompette ou bugle comme il vous plaira. Le tout emmené par un Pourquery au crâne rasé et à la barbe fleurie désormais légendaires, son petit sax au bec rouge, à l’occasion sa voix haut perchée toute en reverb vintage.
Si l’on rigole bien, on est d’abord estomaqué par la précision de l’ensemble. Pop? rock? Jazz? Tout à la fois. On pense au Liberation Music Orchestra de Charlie Haden, aux Mothers of Invention de Zappa et leur humour musical potache mais virtuose et bien sûr à Sun Ra, autre excentrique inclassable et évidemment référence de Pourquery qui lui a consacré un album.
Tant d’exubérance mériterait largement la grande scène du chapiteau: c’est un grand luxe de pouvoir en profiter dans l’intimité de L’Astrada.
Scène conventionnée pour le jazz (la seule en France), L’Astrada garde les oreilles grandes ouvertes toute l’année. « Etonnement, jubilation, culture et boissons fraîches » annonce le programme 2018/2019. Et Fanny Pagès qui vient de s’installer aux commandes du lieu ne compte pas se limiter à en construire l’affiche, elle veut en faire l’un des pricipaux carrefours culturels de la région.
Astrada veut dire destinée en Occitan. Que les astres lui soient favorables!
La page facebook Desmotsdeminuit.fr Abonnez-vous pour être alerté de toutes les nouvelles publications.
Articles Liés
- Jazz in Marciac 2014: la voix royale
Marciac (Gers). 1250 habitants l'hiver, plus de 200 000 visiteurs pendant son festival de jazz,…
- 🎼 JS Trio, jazz
Avec Jonathan Saguez au piano,Olivier Michel à la contrebasse, etQuentin Rondreux à la batterie.Ils interprètent…
- Nikki Yanofsky, fraîcheur jazz
Cette canadienne n'avait que 12 ans lorsqu'elle commença à se produire sur scène, précoce voix…
-
« Hollywood, ville mirage » de Joseph Kessel: dans la jungle hollywoodienne
29/06/202053570Tandis que l’auteur du Lion fait une entrée très remarquée dans la ...