Marciac (Gers). 1250 habitants l’hiver, plus de 200 000 visiteurs pendant son festival de jazz, chaque première quinzaine d’août. Une programmation toujours plus impressionnante. Herbie Hancock et Chick Corea ont ouvert sa 37ème édition qui fait la part belle aux voix. Dee Dee Bridgewater, Stacey Kent, la braise brésilienne d’Eliane Elias, Jammie Cullum qui a mis le feu et quelques autres…
Une sirène noire, toute vêtue de blanc, s’avance du coin de l’immense plateau du chapiteau du festival. Discrètement, un trio (piano, contrebasse, batterie) a déjà commencé à tisser l’écrin d’un bijou vocal, Cécile McLorin Salvant s’empare du micro, l’envoûtement est immédiat. 90 minutes sans que le temps passe, il est suspendu à la grâce, à la délicatesse, à la virtuosité.
Cecile McLorin Salvant est franco-américaine, née à Miami d’un père d’origine haïtienne et d’une mère guadeloupéenne, elle étudie d’abord le chant lyrique dont elle cite à l’occasion les subtilités et la puissance. Mais sa palette musicale est autrement plus diversifiée. Son dernier album s’appelle Woman Child, et c’est vrai qu’elle a parfois la fraicheur et l’innocence d’une voix d’écolière sous le charme de Cendrillon. Puis elle enchaîne sans prévenir dans les profondeurs de l’univers d’une Billie Holiday pour conclure sur un vibrato qui appelle le souvenir d’Ella.
Si sa culture lui fait ainsi traverser les histoires du jazz, l’univers de Cécile McLorin Salvant c’est d’abord le sien. Une diction parfaite, pas une note, pas une syllabe laissées à l’abandon, elle ne calcule pas ses effets, elle donne, dans une forme de modestie bouleversante. Ainsi quand à mi-set, elle entame « Le front caché sur tes genoux« , un quatrain de la poétesse haïtienne Ida Faubert qu’elle a mis en musique, la salle chavire, des spectateurs sont en larmes.
Cécile McLorin Salvant n’a pas 25 ans, quelle maturité déjà… Son concert à Marciac est une consécration, elle a la stature d’une diva.
Le blues à l’âme
Dans l’intimité de la jolie petite salle de l’Astrada qui repose du gigantesque chapiteau, voici Mélanie de Biasio. Mais est-elle là? La scène est plongée dans une pénombre qu’emplissent les nappes tout de suite entêtantes des musiciens d’une chanteuse venue de Belgique et de nulle part. Elle a fréquenté le rock de Nirvana avant de se convertir au jazz et c’est pareil: une tenace mélancolie.
Elle est bien là: de sa voix chaude et grave, elle effleure les profondeurs de ses désaccords en solitude mineure dont elle trace aussi les contours de sa flûte magique. Le blues est sa couleur, Mélanie de Biasio dit tout mais communique peu, pas plus avec les spectateurs qu’avec ses acolytes, toute à ses affaires de cœur et de déraison, sans discussion, on suit son panache noir.
Et quand, en complète suspension, on sort du concert, de sa torpeur et de la salle, on retrouve une petite bouille ronde au cheveux courts : c’est Mélanie, tout sourire, qui signe son dernier CD.
Poupée de son
Youn Sun Nah sait s’entourer. Outre ce virtuose guitariste suédois, compagnon de longue date, elle se produisait à Marciac au côté du jeune accordéoniste français Vincent Peirani qui, tout en économie, en syncopes et en nuances, réinvente les richesses de son instrument.
L’étoile coréenne a étudié en France qui est désormais son deuxième pays, mais c’est le monde entier qui est son terrain de jeu.
Jazz in Marciac, jusqu’au 17 août
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