Marie Bovo est une photographe de la nuit, la nuit des jours et des gens. La fondation Henri Cartier-Bresson, qui rouvre ses portes, prolonge son exposition immersive.
C’est après la tombée du jour, dans un silence parfois apaisant, parfois inquiétant, que Marie Bovo se saisit de sa chambre photographique pour fixer d’autres lumières. Ici ou là-bas, suggérer les gens ou les lieux de peu. Les temps de pose sont longs, elle a le temps, elle le prend, elle le fige, pour raconter autrement, son travail est à l’opposé du photo-journalisme de l’instant.
Nul être humain sur ses gouaches argentiques, non qu’ils soient devenus fantômes, ils sont tout près, ou tout juste partis, hors-champ, leurs traces montrent leur mode de vie, sans doute leurs âmes. Marie Bovo sait aussi bien capter la matière plastique que les fondements de ceux qui l’habitent.
En regardant ses images, intensément belles, pourtant sans aucun esthétisme, on est ému comme on peut l’être par le génie d’un peintre qui sur une toile unique conjugue de façon fulgurante l’essentiel, en proposant des réponses à des questions qu’on ne s’était pas posées..
Un parcours
Nocturnes, l’exposition que consacre la Fondation Henri Cartier-Bresson à Marie Bovo est une saisissante immersion dans l’univers, les univers de Marie Bovo.
Elle s’ouvre sur La voie de chemin de fer, un camp de roms à Marseille (aujourd’hui démantelé), ses aménagements de fortune, l’urgence et la survie. Ses chemins conduisent ensuite vers En Suisse – Le palais du Roi, un kebab aux fresques splendides désormais masquées par le nouveau propriétaire du fast-food, Cours intérieures (marseillaises, toujours), regard vers le haut, les cordes de linge qui sèche découpant le ciel crépusculaire. Alger, Marseille en est comme une jumelle, fenêtres ouvertes d’un appartement sur les vis-à-vis et la ville blanche. Enfin les impressionnants Evening settings, préparations muettes du repas du soir dans le village ghanéen Kasunya que détaille Marie Bovo dans cette Photo Parlée.
On s’attarde enfin sur deux de ses courts films. La voie lactée, une casserole de lait déborde, le filet blanc parcourt la ville. Follow Jesus, au petit jour, un bus de travailleurs ghanéens qui soudain se transforme en espace de prière fébrile proche de la transe, avant une journée de travail qu’on devine esquintant.
→ Marie Bovo est née en 1967 à Alicante (Espagne). Elle vit et travaille à Marseille (et ailleurs). Elle a été exposée régulièrement dans des lieux de renom en France et à l’étranger. La photographe est représentée par la galerie parisienne Kamel Mennour.
• Marie Bovo à la Fondation Henri Cartier-Bresson – jusqu’au 23 aoüt 2020
le catalogue de l’exposition
textes de Marie Bovo, Agnès Sire et Alain Bergala
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