A travers un travail numérique de déstructuration d’images de paysages prises à Fukushima peu de temps après la catastrophe nucléaire, le photographe cherche à révéler le mal invisible de la radioactivité.
Quelque chose cloche dans cette image. C’est évident et pourtant, difficile de dire au premier coup d’oeil ce qui, précisément, ne va pas. Dans la blancheur éclatante de ces paysages enneigés de Fukushima, le photographe Florian Ruiz fait apparaître la dimension proprement anormale de cet horizon d’apparence si pur : l’intensité de sa contamination radioactive. Après avoir relevé la contamination du sol avec un compteur Geiger, le travail de l’artiste consiste à tenter de retranscrire en images son taux de radioactivité, calculé ici en Becquerel (bq). Grâce à un procédé numérique de déstructuration et de recomposition de l’image, il cherche, symboliquement, à révéler la présence de la radioactivité et la mutation – réelle bien qu’imperceptible – des paysages, qui deviennent ici tremblants et profondément inquiétants. Derrière la pureté du blanc, derrière le calme apparent de ces paysages qui semblent d’abord n’appeler qu’à la contemplation, se dessine alors une forme de documentation expérimentale de l’horreur de la catastrophe nucléaire.
Malgré toutes ces associations si nombreuses de la blancheur avec tout ce qui est doux, honorable et sublime, la notion la plus intime qu’elle sécrète est d’une nature insaisissable qui frappe l’esprit d’une terreur plus grande que la pourpre du sang. Cette insaisissable nature, lorsqu’elle est dénuée de tout rapprochement bienveillant, et se trouve liée à un objet terrible en soi, porte la terreur à son comble.
« Moby Dick », Herman Melville, Chapitre 42 La blancheur de la baleine
« Moby Dick », Herman Melville, Chapitre 42 La blancheur de la baleine
→ Florian Ruiz, photographe français, vit et travaille à Tokyo depuis douze ans. Après des études de droit et d’histoire, il a souhaité porter un regard photographique « humaniste » sur les univers sociaux désespérés marqués par la souillure et la désillusion, traduire les ambiances, le ressenti, les sensations face à des univers marqués par le trouble. Marqué par la catastrophe de Fukushima, il cherche à interroger la Photographie en utilisant l’assemblage, le collage, la superposition la distorsion afin de mettre en image le danger invisible de la radioactivité.
Son dernier travail, sur la mise en image de la contamination radioactive des paysages enneigés de Fukushima été récompensé par plusieurs prix (Sony World Photography Award, Felix Schoeller Award, Bourse du Talent, Art Photography Award).
► le site de Florian Ruiz
► Série La contamination blanche, exposée dans le cadre de Paris Photo du 08 au 11 novembre 2018
Ce travail sera ensuite visible au printemps 2019 à l’Aperture Gallery, à New York.
► nous écrire: desmotsdeminuit@francetv.fr
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