« Vivre vite » de Philippe Besson: James Dean en kaléidoscope

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En trois films « A l’est d’Eden », « Géant » et « La fureur de vivre », il est devenu une star. Puis il y eut l’accident dans un de ces bolides qu’il affectionnait tant et James Dean accéda au rang d’icône. Un destin fulgurant retracé avec intelligence et sensibilité par le romancier Philippe Besson dans « Vivre vite ».

Tout a été dit ou presque sur ce jeune homme de l’Indiana devenu le symbole de la jeunesse éternelle. Philippe Besson choisit pourtant de lui consacrer un livre. Non pas une biographie mais un roman dans lequel il donne la parole à une trentaine de personnes ayant côtoyé l’ange blond. De sa mère morte d’un cancer alors qu’il n’avait que neuf ans, à son père qui ne fut pas en mesure de l’élever, en passant par ses professeurs d’art dramatique, ses maîtresses, ses amants, ses agents, mais aussi les réalisateurs qui le firent travailler, George Stevens, Elia Kazan, ainsi que ses partenaires à l’écran, Nathalie Wood, Elisabeth Taylor et jusqu’à son idole Marlon Brando. Un roman choral qui met à mal bon nombre de clichés et restitue le jeune acteur dans toute sa complexité.

 

James Dean en 1953

« Franchement, il n’avait rien pour lui. (…) les dents barrées par un bridge (…) l’air d’un oiseau tombé du nid, un accent impossible, une diction imprécise« :  dixit son professeur d’art dramatique. Tennesse Williams ne fut guère plus tendre « Il ne possédait à peu près aucun des canons de l’époque. Il était mal fichu, un peu voûté ». Oui mais… C’était compter sans son talent et sa détermination. L’un et l’autre forgés par une mère fantasque qui, à une époque où cela ne se faisait pas, prit sur elle d’initier son fils à la musique et à la danse. Elle le rêvait « singulier« . Il le sera. Au delà de ses espérances. A neuf ans le petit Jimmy perd tout. Sa mère qu’il adorait. Puis son père qui le confie à sa soeur. Un double trauma dont l’enfant ne se remettra pas. De tout les personnages auxquels Philippe Besson choisit de donner la parole celui de la mère de James Dean, Mildred, est le plus attachant et le plus fascinant. Il y a chez cette femme dont la propre mère est décédée alors qu’elle était encore enfant la prescience de sa mort voire celle de son fils « Toute notre vie a tenu en quelques années. Mais tant de gens vivent si vieux sans jamais être heureux. Tant de gens sombrent dans l’ennui parce qu’ils ne savent plus quoi faire de leur jours. Nous aurons échappé à cette abomination« . Par delà l’amour de la scène et des arts en général, cette mère incroyablement moderne aura transmis à son fils cette nécessité de « Vivre vite » qui ne le quittera plus.
 

 

La prémonition de la mort prochaine indissociable de l’urgence court dans chaque page du roman de Philippe Besson allant jusqu’à lui insuffler son rythme. Pas d’appesantissement, pas d’information superflue: des témoignages courts qui vont à l’essentiel. Au lecteur ensuite de recouper les différents éléments et de se faire sa propre idée. Philippe Besson n’assène aucune vérité. Il procède par petites touches brossant un portrait kaléidoscopique de l’idole de ses jeunes années. Virginia Woolf lorsqu’elle écrivait la biographie de son ami le peintre Roger Fry constatait la vanité de l’entreprise biographique qui prétend décrire une personnalité quand chacun est éminemment multiple. C’est ce qu’à bien compris Philippe Besson qui en faisant le choix du roman nous raconte non pas son Jimmy mais James Dean tel qu’il a été perçu par ceux qui l’ont connu. La vérité n’est jamais une mais plurielle, mouvante, parfois contradictoire et ce roman solaire et sensible en donne la plus belle preuve.

Vivre vite – Philippe Besson – Julliard – 252 pages

Les lectures d’Alexandra…

La critique Littéraire desmotsdeminuit.fr


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