« Arrête avec tes mensonges » de Philippe Besson: amour caché
C’est le roman le plus autobiographique de Philippe Besson. Le plus émouvant aussi. Celui qui éclaire tous les autres.
J’invente des vies (…) c’est presque une manie, il me semble que ça a commencé dès l’enfance, oui c’était là dès le plus jeune âge, maintenant je me souviens, cela inquiétait ma mère, elle disait arrête avec tes mensonges, elle disait mensonges à la place d’histoires, ça m’est resté.
Philippe Besson
Arrête avec tes mensonges s’inscrit donc sous le signe de la vérité.
Non je n’ai jamais parlé. Sauf aujourd’hui. Dans ce livre. Pour la première fois.
Hiver 1984. Barbezieux. Dans la cour de récréation du lycée deux jeunes hommes que tout oppose. L’un est fils d’instituteur, promis à un avenir que le père ne peut envisager que brillant. L’autre est fils de paysans avec la ferme familiale comme seul horizon. Ces deux- là n’étaient pas fait pour se rencontrer. Et pourtant. Dès le premier regard le désir est là. Fulgurant. Le premier c’est l’auteur. Il a dix-sept ans et ignore que plus tard il écrira des livres. Le second c’est Thomas Andrieu. Les lecteurs de Philippe Besson le reconnaîtront. Il est là dans Son frère mais aussi dans Se résoudre aux adieux et Un garçon d’Italie. Il hante son œuvre, jusqu’à ce livre qui lui est dédié et lève le voile sur cet amour longtemps tenu secret.
Ce que Philippe Besson ignore alors, Thomas le sait pour deux. « Il a pour moi cette phrase inoubliable, parce que tu partiras et que nous resterons ». Cette phrase bouleversante qui résume à elle seule cet amour de jeunesse qui se sait condamné. Philippe Besson s’arrachera à sa terre natale et aux attentes placées en lui. Thomas restera. Il en mourra. Toute l’œuvre de Philippe Besson peut se lire à l’aune de cet amour voué au secret. « Plus tard, j’écrirai sur le manque; sur la privation insupportable de l’autre. Sur le dénuement provoqué par cette privation. Sur la pauvreté qui s’abat. J’écrirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace (…). Je me demande quelquefois si j’ai même jamais écrit sur autre chose. Comme si je ne m’étais jamais remis de ça: l’autre devenu inaccessible« .
Sans doute son plus beau roman.
(photo d’illustration de l’article © Maxime Reychman)
Les lectures d’Alexandra
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