« Les choses humaines » de Karine Tuil 📚 #metoo, l’envers du décor

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Doublement récompensé par le Prix Goncourt des lycéens et l’Interallié, le dernier roman de Karine Tuil donne à voir les coulisses du monde contemporain à travers l’histoire d’un viol. Aussi puissant que dérangeant.

« La déflagration extrême, la combustion définitive, c’était le sexe, rien d’autre – fin de la mystification« , affirme Karine Tuil dans l’incipit de son onzième livre. Les 350 pages qui suivent en sont une démonstration par l’exemple, stupéfiante de rigueur, d’intelligence, d’empathie. La romancière y retrace l’histoire d’un couple à qui tout réussi – lui a longtemps présenté le 20 heures, elle signe des essais féministe s- jusqu’au jour où leur fils, étudiant promis à un avenir brillant, est inculpé pour une affaire de viol.
La romancière n’a pas attendu l’affaire Weinstein pour s’atteler à un sujet qui fait désormais notre actualité quasi quotidienne. C’est une affaire similaire survenue en 2015 sur un campus américain qui met le feu aux poudres de son imaginaire. Juriste de formation, Karine Tuil choisit alors d’assister à de nombreux procès pour viol aux assises. Une expérience qui va lui fournir la matière première de ce livre dont personne ne sort indemne. Pas même le lecteur. « Les faits paraissent simples, ils ne le sont pas c’est ce qu’affirmait la directrice d’enquête qui était de garde ce soir-là et avait réalisé la première audition de la victime« , c’est également ce qui transparaît à la lecture de ce livre dénué du manichéisme que ne manque généralement pas de susciter le sujet.
Karine Tuil, elle, ne prend pas parti. Elle donne à voir. Un monde: celui de l’argent et du pouvoir. Une société: celle de la réussite et de la performance à tout prix. Son corollaire: la violence des rapports sociaux et son influence sur nos comportements. Remarquablement construit son livre débouche sur le procès du jeune homme accusé d’avoir agressé sexuellement celle qui n’est autre que la fille de son beau-père. Faisant se succéder les témoins à la barre, la romancière installe symboliquement son lecteur du côté des jurés. Un procédé narratif d’une efficacité redoutable qui met en lumière l’infinie complexité des « Choses humaines » et les dysfonctionnements du monde.
Empathique et brillant.

Éditions Gallimard – 352 pages

Illustration de couverture: © Francesca Mantovani

Les lectures d’Alexandra
La critique littéraire desmotsdeminuit.fr

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