« Lointain » de Marie Modiano 📚 l’envers du décor

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Marie Modiano écrit comme elle chante avec grâce, délicatesse et élégance. Inspiré de sa relation avec l’écrivain américain Tristant Egolf, son deuxième roman conte l’inéluctable errance de deux artistes.

Dans le langage théâtral, le lointain désigne le mur du fond. Celui sur lequel va se dérouler l’histoire de la pièce. Il est au théâtre ce que la page blanche est à la littérature. Un mot à double sens illustrant parfaitement ce qu’est le dernier roman de Marie Modiano. A l’exact mitan du théâtre et de la littérature. Son héroïne, Valentine est comédienne. Ou tout au moins s’en donne l’illusion. « J’ai signé mon premier contrat sans même me demander si je serais heureuse avec ces trente-deux vers à déclamer chaque soir, pendant plus d’un an, dans différentes villes d’Europe et de Province. Pour moi, c’était une bouée de sauvetage qu’on me tendait, un moyen de m’échapper grâce à un salaire mensuel fixe. Il fallait fuir. Fuir Paris et les mauvais souvenirs ». Fuir le passé et la culpabilité
C’était il y a vingt ans. La jeune femme était encore lycéenne et le théâtre n’était qu’un rêve. Sur le Pont des Arts elle rencontre un jeune écrivain. « Il était américain, vivait à Philadelphie avant de venir ici, il était chanteur dans un groupe punk rock qui rencontrait un certain succès local mais avait décidé de tout quitter pour se consacrer pleinement à l’écriture ». Il paiera le prix fort et la jeune fille assistera impuissante à sa plongée en eaux profondes. « En glissant chaque parcelle de vécu dans son œuvre et en sacrifiant tout afin de le transcender à travers l’écriture, il se consumait à petit feu sans s’en rendre compte. La voie vers la folie se traçait doucement d’elle-même et ce n’était certainement pas une jeune fille de dix-huit ans ni les contrats d’édition qu’il signerait un an plus tard dans le monde entier qui parviendraient à freiner ce qui avait déjà débuté ». Il se donnera la mort au printemps.

Histoire d’un amour défunt, Lointain en dit long sur les risques de la création. Sur la solitude des artistes. Qu’ils soient écrivains chanteurs ou comédiens. C’est un roman hypnotique et bouleversant, un petit tombeau de papier pour un jeune homme au talent insolent, prématurément disparu.

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(photo d’illustration: © Francesca Mantovani / Gallimard) 

les lectures d’Alexandra

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