Pierre Lemaitre, écrivain, solidaire, tourmenté: les voies de son naître!
Né tardivement, après une jeunesse longue – elle a duré 50 ans – avec un poil d’enfance dépressive qui a donné du sel aux choses, et depuis, aux mots, Pierre Lemaitre fut un homme d’addictions et Pascaline est cette femme qui l’a révélé. Il lui doit d’être cet écrivain « populaire » (au large public et à l’exigence littéraire intacte). Privilégié, il l’est. Politique et radical, tout autant
Janus …
Regard inspectant même quand il joue avec ses lunettes. À part la taille, s’il était de la police, il pourrait se nommer Verhoeven, comme son commandant de la Brigade criminelle. Mais il n’écrit pas de rapports. S’il était Mélenchon, il pourrait crucifier les avatars contemporains du grand capital. Il a préféré souhaiter sur France Inter une bonne année 2017 à ses très riches. S’il était sur un divan, il finirait par louvoyer entre une dépression légère de jeunesse, les accumulations compensatoires de maman ou la mort d’un père handicapé en guise de retour du réel. Mais Pierre Lemaitre y a épanché ses addictions.
M’enfin ! La littérature …
S’il fallait lui fabriquer un storytelling, on alignerait: autodidacte, tri postal -même pas facteur-, psychologie, formateur de bibliothécaires, directeur de MJC, gratte-papiers sans lendemains qui chantent chez l’éditeur. Ce serait commettre une erreur. Les histoires c’est lui qui désormais les écrit ou les adapte au cinéma, Goncourt et César à la clef. Ce qui -on le suppose et il le dit dans ce mot à mot– finit par vous désinhiber un homme, un « artisan » de la littérature assumant d’être devenu l’un des meilleurs ouvriers de France en la matière. À tout le moins d’être reconnu comme tel. Le deuxième volet de la trilogie Péricourt continue l’ouvrage.
Couleurs de l’incendie
« Février 1927. Le Tout-Paris assiste aux obsèques de Marcel Péricourt. Sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière, mais le destin en décide autrement. Son fils, Paul, d’un geste inattendu et tragique, va placer Madeleine sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la cupidité de son époque, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra déployer des trésors d’intelligence, d’énergie mais aussi de machiavélisme pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe. Couleurs de l’incendie est le deuxième volet de la trilogie inaugurée avec Au revoir là-haut, prix Goncourt 2013, où l’on retrouve l’extraordinaire talent de Pierre Lemaitre. » © Albin MIchel
Pascaline …
Un mot ou deux lui conviennent: fripon ou espiègle. J’espère qu’ils l’amuseront. Comme ses yeux, comme son humour à froid ce matin-là dans son appartement parisien alors que la lumière changeante énerve l’homme des caméras.
Il se permet aujourd’hui la distance de celui qui est parti de loin, pas bien distingué aurait dit Bourdieu. Et on gardera des voies de son naître, cette idée de maturité tardive qu’il doit à Pascaline. « Grâce à elle, je suis né à cinquante ans… Cette femmme a changé ma vie. Tous mes romans lui sont dédiés », dit l’antienne de cet amoureux.
Pierre Lemaitre, c’est à redire, est un auteur de romans policiers impressionnant dans ses capacités de mises en abîmes (oui, au pluriel). Le polar qui « prend les passions humaines à partir du moment où elles sont chauffées à blanc » fait donc parfaitement écho à sa conception tragique de l’existence …
Des mots et des choses …
Dans cette conversation Pierre Lemaitre évoque encore son « travail » littéraire, des approches documentaires au plaisir de l’écrire, admet qu’il est « méchant » avec ses personnages et que la laideur est l’une de ses figures romanesques tranversales. Il connut un jour de hapax existentiel – lui dit « révélation » – à la lecture de la première phrase d' »Un amour de Swann » et enchaîna sur un achat compulsif de l’intégrale de Proust en couverture pleine peau dans la foulée.
Il se sait aujourd’hui privilégié, vivant de sa plume, et se garde de trop de culpabilité en étant militant de quelques belles solidarités. Il ne cache pas une radicalité politique qui lui fait imaginer Emmanuel Macron en prototype, en exemplaire unique. On comprend finalement que ce garçon qui reprend l’idée que la vie de tout homme de 40 ans ressemble à une ville bombardée ait encore besoin, même s’il n’a plus l’âge, de gris-gris …
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