La cinéaste Sofia Djama et la biographe hospitalière Valéria Milewski #555

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La force des objets que les invitées DMDM apportent sur le plateau. Pour l’une la cravate d’un père qui n’en finit plus de révéler des à-côtés. Pour l’autre, une pièce de bois sculpté burkinabé qui offre une main ou un visage quand on la retourne. Tout est dans le détail : le nom de la tortue que la première fait jouer dans son film, l’écho du mot « Solidarnosc » dans la biographie de la seconde

 

Oran. Béjaïa, Alger… Trois villes, autant de repères topologiques pour Sofia Djama Elle fait de la pub, écrit des nouvelles dont l’une met en panne d’érection un violeur. Le court-métrage (son sens de l’humour serait sans doute sensible à la portée de l’expression) qu’elle en tire sera primé dans plusieurs festivals. Elle appartient à une génération – elle est de 1979 – que le rire et la « tchatche » (le mot n’est pas dépréciatif mais renvoie à une distance lucide et à un trop à dire) préservent des déconvenues de l’ultralibéralisme triomphant ou écœurant – c’est selon – qui unifie les comportements, les politiques et les vitrines d’Alger à Hong-Kong en passant par Paris.
Elle a pu soutenir une étudiante virée de la fac au prétexte d’une jupe trop courte. Elle signe aujourd’hui un premier long métrage (adapté d’une autre de ses nouvelles) remarqué et primé à Venise (meilleure actrice). Son titre, « Les Bienheureux » , est goguenard, quoique, quand son sujet est millefeuille : deux générations qui se retournent ou se cherchent dans une multiplicité abyssale, quoique, d’arrangements, de transgressions, de renoncements et de posssibles.
Dommage que les distributeurs français lui fassent si peu de place sur leurs grands écrans…        
Synopsis :
« Alger, quelques années après la guerre civile. Amal et Samir ont décidé de fêter leur vingtième anniversaire de mariage au restaurant. Pendant leur trajet, tous deux évoquent leur Algérie : Amal, à travers la perte des illusions, Samir par la nécessité de s’en accommoder. Au même moment, Fahim, leur fils, et ses amis, Feriel et Reda, errent dans une Alger qui se referme peu à peu sur elle-même. »

Les gens tirent du bénéfice de cette expérience-là et se sentent mieux. Ils redeviennent acteurs de leur affaire plutôt que de subir des protocoles

Frédéric Duriez, médecin du service oncologie de l’hôpital Louis Pasteur de Chartres. 

L'association "Passeurs de mots, passeurs d'histoires" 

Valeria Milewski est passeure de mots et passeure d’histoires. C’est un métier, un travail (ce que ne démentirait pas un psychanalyste) auxquels il est aujourd’hui possible de se former dans le cadre d’une association qui a dix ans. La nomenclature va retenir « biographe hospitalier » .
La presse qui commence à s’intéresser à la question (Qu’est-ce à dire avant de passer?) la décrit toute en couleurs dans un univers blanc. Celui du servive d’oncologie-hématologie d’un hôpital de la préfecture d’Eure et Loir. Autrement dit, elle porte beau dans un lieu où certains finissent leur vie. Plus essentiellement, elle aide celles et ceux qui vont mourir à la reposer et à la transmettre en mots aux générations qui suivent. Certains patients de l’hôpital de Chartres ont cette possibilité de pouvoir encore dire. À leur mort reste leur livre (amours de jeunesse ou de boulot, amour tout court, retours d’affects, secrets, états d’âme…) donné plutôt qu’offert à la famille.
Elle a le rire franc et massif de celles et ceux qui sont revenus de pas mal de choses. Double origine, traumatisme crânien, école de publicité, Muséum national d’Histoire naturelle de Paris : autant de détours avant l’accompagnement de patients en fin de vie. Consentir est un mot qui va bien à sa présence auprès des autres. Son mot de minuit est oui!         

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