Éric Maurin et Jeanne Benameur : du conformisme et du chemin de soi #525

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Parce que ce conformisme-là permet d’échapper à la solitude qu’impose l' »individualisme » ultra libéral, il est salutaire. Pour Eric Maurin, dans un monde qui pousse chacun à l' »autoréalisation », les individus ont « plus que jamais besoin de faire comme les autres pour ne pas s’en couper ». La romancière questionne un isolement identitaire. Il touche à l’esseulement de l’otage après la libération.

“Pour que j’ouvre un chantier d’écriture, il faut que je sois traversée par une question qui insiste, s’impose. Je sens à un moment que ce n’est que par l’écriture que « ça » va prendre forme. Le roman me permet d’explorer, jusqu’au bout et par des facettes différentes, un questionnement, ce que dans la vie je ne peux pas faire. Le roman est une quête qui m’est nécessaire au moment où je l’écris. »

Avec Otages intimes, le questionnement était: quelle part de nous est toujours prise en otage? Tous, nous sentons parfois qu’un territoire en nous reste inexploré, fermé. Ces espaces dont nous ne sommes pas libres appellent parfois. Il faut souvent ce qu’on nomme « une crise » pour aller y voir… se risquer à découvrir.

Je vis dans un monde où les images de la guerre sont omniprésentes, sur les écrans, dans toutes les actualités. La guerre, je l’ai vécue lorsque j’étais enfant, à cinq ans, quand toute ma famille fut attaquée par ceux que l’on connaîtrait ensuite sous le sigle oas (Ça t’apprendra à vivre, Babel).

J’ai été « sidérée » par la violence des hommes. De cette sidération on ne revient pas indemne. L’intensité vécue au moment du péril, rien ne pourra plus l’égaler. À part, pour moi, l’intensité de l’écriture. C’est sans doute pour cela que le corps a une telle « vie » dans mes textes.

C’est la première fois que je peux me lancer dans la fiction sur ce terrain-là qui m’habite depuis si longtemps. Les questions d’écriture n’en ont été que plus aiguës. J’espère que corps, imaginaire et pensée trouvent leur forme juste par ce texte.Jeanne Benameur

« Photographe de guerre, Étienne a toujours su aller au plus près du danger pour porter témoignage. En reportage dans une ville à feu et à sang, il est pris en otage. Quand enfin il est libéré, l’ampleur de ce qu’il lui reste à réapprivoiser le jette dans un nouveau vertige, une autre forme de péril.
De retour au village de l’enfance, auprès de sa mère, il tente de reconstituer le cocon originel, un centre depuis lequel il pourrait reprendre langue avec le monde.
Au contact d’une nature sauvage, familière mais sans complaisance, il peut enfin se laisser retraverser par les images du chaos. Dans ce progressif apaisement se reforme le trio de toujours. Il y a Enzo, le fils de l’Italien, l’ami taiseux qui travaille le bois et joue du violoncelle. Et Jofranka, “la petite qui vient de loin”, devenue avocate à La Haye, qui aide les femmes victimes de guerres à trouver le courage de mettre en mots ce qu’elles ont vécu.
Ces trois-là se retrouvent autour des gestes suspendus du passé, dans l’urgence de la question cruciale : quelle est la part d’otage en chacun de nous ?
De la fureur au silence, Jeanne Benameur habite la solitude de l’otage après la libération. Otages intimestrace les chemins de la liberté vraie, celle qu’on ne trouve qu’en atteignant l’intime de soi. »
©ACTES SUD

Eric Maurin : une bibliographie qui dit l’esprit et la philosophie d’une recherche… 


« Les nouvelles classes moyennes », 2012 (avec D. Goux).

« La peur du déclassement », 2009.

« La nouvelle question scolaire », 2007.

« Le ghetto français », 2004.

« L’égalite des possibles », 2002.

Un extrait du texte de Jeanne Benameur:

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