Voyage agaçant au Badguando: Les carnets d’ailleurs de Marco & Paula #189
Il était une fois le pays de Badguando. Ce que je vais vous en conter, quoiqu’assez inimaginable, est évidemment tout à fait imaginaire, comme le pays lui-même.
Le résultat fut (d)étonnant.
Préférence nationale …
L’affaire couvait depuis quelques mois. Les organisations non-gouvernementales internationales (ONGI) en avait déjà identifié quelques signes avant-coureurs, ainsi pour l’obtention des permis de travail de leur personnel expatrié, dont la plupart étaient refusés sous prétexte qu’il fallait embaucher en priorité des Badguandais: à compétence égale, préférence nationale, martelait-on… Parfois sur un ton franchement désagréable!
Peu importait que les Badguandais compétents soient déjà en poste dans les ONGI qui fonctionnaient avec un personnel à 80-90% local – donc pas uniquement à des postes de gardien ou de chauffeur comme elles en étaient accusées. Ou qu’ils soient partis voir ailleurs si la fiscalité n’y était pas meilleure, c’est-à-dire avec une réelle relation entre les impôts et la qualité du service public rendu (l’eau, les routes, les écoles, la lumière, la protection sociale et la culture pour ne citer que l’essentiel). Pour ramener au bercail ces cerveaux en fuite, il suffisait aux ONGI, disait-on, d’ouvrir les recrutements à l’international seulement aux Badguandais, en fait de leur proposer un contrat expatrié dans leur propre pays.
Préférence internationale…
Un jour le gouvernement sortit du chapeau une circulaire enjoignant de nationaliser tous les postes des ONGI travaillant au Badguando dans les douze prochains mois. Une semaine plus tard, emporté par son élan, il promulgua deux arrêtés présidentiels consternants, sans s’abaisser à une quelconque concertation préalable.
Primo, à la fin de chaque projet (les ONGI gèrent simultanément plusieurs projets dans les pays où elles interviennent), il fallait désormais décider avec la direction de tutelle du devenir des équipements, dont bien sûr les voitures… Que l’ONGI en ait eu besoin pour le projet suivant – les ONGI ont des stratégies d’intervention pluriannuelles – ou pour d’autres projets en cours, n’était pas envisagé ni envisageable. Évidemment, en cas de départ définitif du pays, il fallait alors tout donner au gouvernement badguandais, sans discuter, sans pouvoir argumenter que les ordinateurs ou véhicules (achetés par les ONGI avec leurs propres deniers) étaient nécessaires pour les projets menés dans un pays voisin (à défaut d’être frère) du Badguando.
Secundo, chaque projet devait désormais être conçu en collaboration avec les services techniques nationaux, ce qui serait plutôt sain si ces services techniques fonctionnaient et ne se contentaient pas seulement d’exiger des per diem et des frais de déplacement pour les réunions qui se tenaient dans la capitale du Badguando, où toutes les ONGI ont leur siège. En effet, les fonctionnaires badguandais intègres et motivés étaient rares, peut-être parce que beaucoup s’étaient fait embaucher par les ONGI ou autres services onusiens offrant des conditions de travail plus attractives que celles du gouvernement.
Tertio, le gouvernement du Badguando allait désormais décider où devaient intervenir les ONGI, ce qui serait une bonne idée pour éviter qu’elles ne se marchent sur les pieds, sauf que celles-ci avaient déjà organisé une coordination de leurs actions. Le processus en question n’était pas clairement précisé, ce qui entraînait un risque de manipulation, comme ce fut le cas en Éthiopie, par exemple, où les distributions alimentaires lors des grandes famines avaient servi à déplacer les populations au gré de manœuvres politiques douteuses.
Donner l’oseille …
Un autre article fit frémir la communauté à l’unisson. Désormais 1% du budget des projets des ONGI serait versé à la direction de tutelle Badguandaise, pour lui permettre d’assurer benoîtement son népotisme. Il était précisé qu’un organisme de gestion serait créé. Un jour.
Et les décrets d’égrener ainsi des articles parfois contradictoires mais pour la plupart se résumant à « donne l’oseille et tais-toi », paraphrase spécieuse mais irrésistible.
Les ONGI dans un bel ensemble, se tirèrent, sans laisser d’oseille et sans état d’âme.
Là, je rêve. Mais, bon, tout cela est de toute façon parfaitement imaginaire. Évidemment.
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