Une petite fenêtre sur l’Amérique et Mister Covid 🇺🇸 Les carnets d’ailleurs de Marco et Paula #249
Paula essaie de résoudre la quadrature de son cercle : comment faire pour découvrir un pays depuis son confinement
Quand je pose mes valises dans un pays, il me faut généralement six mois pour commencer à en appréhender les premières subtilités. Depuis bientôt huit mois que je suis aux États-Unis, je devrais donc avoir trouvé quelques repères, d’autant que ce pays ne m’est pas complètement étranger depuis dix ans que je le fréquente (et d’ailleurs, c’est la faute à Marco). Et j’ai suffisamment de culture cinématographique, littéraire et géopolitique américaine pour ne pas me sentir en territoire complètement inconnu.
L’arrivée de Mister Covid …
Pourtant, je n’ai guère l’impression d’avoir progressé dans mes tentatives de capter l’esprit américain mais j’ai des circonstances atténuantes. En premier lieu, nous sommes provisoirement installés en Virginie et ce provisoire ne m’incite guère à tisser d’autres liens. Les amis qui gentiment nous hébergent sont devenus américains mais ont gardé pour mon plus grand plaisir leur mentalité d’origine (centrafricaine et belge). Au club d’équitation que nous fréquentions les relations avec les autres cavaliers restaient superficielles (avec les chevaux, c’est une autre forme de lien basée sur l’immédiateté).
J’avais donc pensé proposer mes services comme volontaire dans un refuge pour les femmes victimes de violences conjugales mais j’ai hésité, ne voulant pas m’engager dans une action qui ne pouvait pas s’inscrire dans la durée.
Et puis Mister Covid s’est invité et j’ai abandonné mes velléités d’insertion dans le paysage local. Trente années d’engagement social et humanitaire auraient dû me lancer dans l’action; après tout, mon héros existentiel est le docteur Rieux dans La peste de Camus. J’ai remisé mes envies d’intervenir pour ne pas faire courir de risques à nos amis. Leur offrir le Covid en remerciement de leur hospitalité, cela manque de fair-play.
Aussi, j’en suis réduite à faire comme tout le monde, et pour me familiariser avec la manière de vivre américaine, je regarde des séries. Une amie m’a d’ailleurs encouragée à en regarder pour apprendre les idiomes de la vie de tous les jours, comme le « give me a break » (laisse-moi tranquille) qu’elle m’a appris. J’ai choisi une série un peu romantique, pour ne pas dire neuneu* et je consulte mon dictionnaire en cas de doute. L’action se déroule dans une petite ville reculée du nord de la Californie où tente de s’installer une infirmière venue de Los Angeles.
Give me a break …
Je partage certaines de ses incompréhensions face à ce nouvel univers, car ce que je découvre ne m’inspire guère non plus: le seul bar-restau du village ne sert que du café versé d’une thermos, le groupe de trafiquants armés jusqu’aux dents qui vit en autarcie dans les bois est patibulaire mais presque**, il est de coutume de jeter les canettes et les mégots par terre, et seule l’infirmière connaît le concept de dépression post-partum – mais elle vient de la ville, bref une étrangère … Petite satisfaction, je comprends à quoi se réfère un personnage quand elle évoque un baby shower (voir chronique n° 238), alors, finalement, j’ai progressé.
En revanche, sur la gestion de la pandémie du Covid, je reste totalement perplexe. Chaque matin, je mets à jour un graphique e-statistiques, en observe la courbe toujours exponentielle et constate que les États-Unis ont pris une première place dans la marche funèbre des nations avec un tiers des contaminés et un quart des morts (c’est sans doute ça, l’ »America great again » promise par le grand menteur). Mais je ne peux guère en penser plus. Il me faudrait bien plus d’informations et de connaissances en épidémiologie pour en tirer des conclusions. Mais pour cela, il me suffirait de suivre les informations américaines mais je les boude, surtout les pitoyables points de presse du président.
Ici, chaque État promulgue ses règles, conformément à la Constitution (un truc intouchable) avec pour résultat une étonnante cacophonie (ici, on sort ; là, on ne sort pas, ou juste un peu quand ça vous chante). Et comme les partis sont en campagne présidentielle, la récupération politique bat son plein, et le Président est allé jusqu’à suggérer à ses nervis (des « rednecks » bon teint), au cours d’un de ses points de presse quotidiens, d’aller manifester pour réclamer la fin du confinement – mais uniquement dans les États dont le gouverneur est démocrate, cela va de soi.
Pour conserver un moral quelque peu malmené, je cherche les bonnes nouvelles, ici ou là et sur d’autres sujets. Et voici celle du jour: la Cour suprême saoudienne a retiré la flagellation de son arsenal pénal.
Alors, réjouissons-nous !
Mais pas la décapitation.
Alors, lamentons-nous !
* avec mes remerciements à Coluche pour cette mécoupure que j’ai fait mienne depuis depuis.
** Virgin River diffusée sur Netflix
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