Tourisme en dystopie ✈️ Les carnets d’ailleurs de Marco & Paula #231
Il y a des gens à qui les fêtes donnent des idées noires; Paula en est, et comme c’est Noël, elle a un bourdon de bernard-l’hermite…
Depuis une semaine, nous avons pris nos quartiers d’hiver dans Washington. Des amis sont partis en vacances et nous gardons leur chat, leur maison et leur voiture. C’est une forme de nomadisme qui nous apparente au bernard-l’hermite (je vais vous expliquer ça dans un moment). Nous l’avions pratiqué avec plaisir à Kinshasa où pendant un mois, notre obligation consistait à sortir le chien dans de longues balades biquotidiennes dans le parc d’un centre équestre (soixante hectares de forêt en plein centre-ville, ce qui n’est pas petit). Ici, le chat n’a pas besoin de nous pour folâtrer dans le jardin et il considère d’ailleurs qu’en cette période, le radiateur est « La place où il faut être ».
The place to be…
« La place où il faut être », c’est justement le sujet d’un article lu dans l’édition du Washington Post du week-end dernier. L’auteur annonce en titre que la multiplication des protestations de rue oblige les touristes à reconsidérer leur façon de voyager. Je m’attendais à des platitudes sur les dangers de séjourner dans des pays dont les habitants sont plus occupés à réclamer justice et liberté qu’à satisfaire le besoin d’exotisme du touriste, ou à lire le témoignage exalté de touristes ayant sauté les barrières de protection pour rejoindre une marche avec les protestataires du cru.
Eh bien non. L’auteur a voyagé à Hong-Kong et raconte que, certes, s’y déroulent des manifestations unilatéralement pacifistes (je défile tranquille, il matraque tranquille) mais qu’elles n’entravent pas le tourisme. Au contraire, les tarifs des hôtels sont incroyablement bas, les files d’attentes inexistantes et les foules ont déserté les terrasses des gratte-ciels d’où l’on peut admirer les fameux couchers du soleil. Mieux, il exhorte le quidam voyageur à participer à un circuit des manifs qui l’emmènera dans une manifestation labellisée « bilatéralement pacifiste » dans laquelle les visiteurs auront le droit de porter des masques, ces masques interdits aux manifestants, histoire que la police ne les assimile pas à des rebelles et réfrène ses coups si ça dégénère.
Tout cela me donne des idées de reconversion. Je vais organiser des circuits « disruption » propres à satisfaire le touriste en quête d’insolite. J’ai quelques jolies destinations dans mon catalogue. Quinze jours dans un camps de réfugiés pour les anxieux des kilos en trop avec option choléra pour ceux qui veulent perdre jusqu’à 30kg. Une semaine dans l’est du Congo pour les excités des jeux de combats en ligne. Quatre jours dans un centre de santé dans une zone Ebola pour les désespérés de la vie. Douze jours dans un abattoir pour les viandards jusqu’auboutistes. Six jours au cœur des incendies dans le Queensland australien pour les climato-sceptiques. Quinze jours dans une famille turque pour partager toutes les activités des enfants de la famille d’accueil et surtout le ramassage des noisettes de cinq du matin à six heures du soir.
Coquille allouée…
Mais revenons à notre bernard-l’hermite (appelé pagure sur les côtes européennes) – dont je m’étais demandé un après-midi de flemme s’il tuait l’occupant légitime de sa coquille ou s’il squattait un logement vide. Dans le premier cas, j’aurais cherché pour cette rubrique une autre métaphore pour ne pas effrayer nos amis lecteurs et parfois hébergeurs. Au contraire, ces mollusques semblent avoir trouver une bien conviviale et écologique façon de se loger : « La nécessité et le danger de changer de coquille provoquent un comportement social appelé « chaîne de vacances »: de nombreux pagures de tailles différentes se réunissent autour d’une coquille vide adaptée à la croissance du plus gros d’entre eux, et chacun passe ensuite dans la coquille de l’autre, la plus petite restant vide ».
Un vrai conte de Noël !
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