Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #36 : Au Congo, Marco s’éclaircit les idées
Mardi – Ce midi, avec mon collègue sénégalais, nous avons décidé de faire un premier tour des supermarchés locaux. Le premier dans lequel notre chauffeur nous a déposés – Galaxy quelque chose – a un rayon alimentaire minimaliste, mais des allées et des allées de produits cosmétiques, dont plus de quatre allées entièrement consacrées aux savons éclaircissants, crèmes éclaircissantes, lotions …
Ce soir, c’est le grand soir, Paula arrive à Kinshasa.
Samedi – Paula ne perd pas de temps : cet après-midi, nous sommes allés au centre hippique de Kinshasa. Soixante hectares de forêt en plein milieu de la ville. Alors que nous nous promenons entre les écuries, le ciel noircit et le vent se lève. En cinq minutes, c’est un vrai coup d’harmattan, le sable vole et affole un cheval sellé. Tout le monde court se mettre à l’abri. Sauf qu’au Congo, il n’y a pas d’harmattan. Mais le sable de la carrière est sec – cela fait quinze jours que la saison des pluies devrait être là et toujours pas une goutte d’eau n’est tombée. Dans les conversations, on parle de changement climatique. Quelqu’un m’explique que depuis quelques années, depuis, dit-il, que les forêts autour de Kinshasa ont été passées à la tronçonneuse, la saison des pluies démarre toujours plus tard. Difficile de démêler le vrai du faux dans ce moulin aux rumeurs.
Mercredi – Depuis huit jours tous les matins au bureau nous suivons la crise au Burkina Faso sur la télévision de la grande salle de conférence où nous sommes regroupés (les bureaux devant tous nous accueillir ayant été construits mais pas meublés). Avant la crise, nos collègues congolais étaient plutôt branchés sur les feuilletons, avec parfois un passage sur les news. Ce matin, entre deux bulletins, est passée une discussion sur les dernières études des démographes sur l’évolution probable de la population de la planète. Un expert souligne qu’à la fin du 21ème siècle la population aura cessé de croître, et je vois, en face de moi, une expression d’incrédulité se peindre sur la figure de mon jeune collègue sénégalais : « Non, non, ça n’est pas possible. Nous, les Africains, nous allons empêcher ça ». Je lui fait remarquer qu’avec le développement économique les familles africaines suivront le même modèle que partout ailleurs sur la planète. « Non, nous on va continuer à faire des enfants ». L’affirmation me surprend, mais ce n’est pas la première fois qu’un collègue africain me le dit.
Jeudi – C’est la fin de la crise. Le Général Diendéré a rendu les armes et présenté ses excuses pour sa tentative de coup d’état au Burkina. Deux de mes collègues ont suivi le déroulement de la crise avec particulièrement d’attention : Il y a D., un ancien ministre du budget du Burkina Faso, qui connaît bien tous les protagonistes, et il y a L., le jeune expert du Sénégal, qui suit tous les faux-pas de Macky Sall, son président (en tant que leader de la CEDEAO, Sall dirige les négociations). D. soupçonne Macky Sall de rouler pour Blaise Compaore, le président déchu du Burkina, et L. ne comprend pas comment Macky Sall a pu accepter d’être accueilli à l’aéroport par le chef de la rébellion. Bref, nos matinées ont été remplies de discussion, mais il n’y avait aucun sentiment de tragédie ; c’était plutôt comme un tournoi de football. Il faut dire qu’il y a eu 25 coups d’état et tentatives de coup d’état en Afrique de l’Ouest depuis 1990. Dans un aparté avec celui que nous appelons « Monsieur le Ministre », je prends note que l’institution régionale, la CEDEAO, s’est montrée à la hauteur de la tâche et a réussi à gérer la crise – c’est un signe, réconfortant, que les institutions africaines mûrissent.
Dimanche – Manifestations aujourd’hui à Brazzaville, de l’autre coté du fleuve. Sassou Nguesso, le président kleptocrate, a décidé d’organiser un référendum pour changer la constitution – histoire de pouvoir faire sauter le verrou des « deux mandats et tu t’en vas ». A 71 ans, il a déjà passé plus de trente ans au pouvoir. Certains de ses sujets, semble-t-il, trouvent qu‘il exagère.
Tout Nomad’s land.
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