Marco & Paula : Carnets d’ailleurs #33 : Paula, le temps de la migration
Paula quitte la Virginie. Il est temps de partir en France préparer les malles pour le départ au Congo. Il lui faut également collecter quelques documents pour déposer sa demande de visa et croiser les doigts pour l’obtenir.
Dans le train Fredericksburg-New York : Sur le quai, chacun guette le train mais sans être convaincu de regarder dans la bonne direction. Pourtant, il n’y a que deux quais, mais aucun panneau informatif. Ces quais sont dénommés est et ouest, la voie est sud nord, les trains roulent à droite aux USA contrairement à la France. De fait, tout adepte des courses d’orientation se positionne naturellement sur le bon quai. Ce matin, nul d’entre eux parmi nous autres voyageurs et tous nous nous figeons quand les hauts-parleurs crachotent quelques messages sibyllins.
Le train sifflera bien plus que trois fois lors de ces cinq heures de voyage. En fait, il siffle à chaque courbe de la voie ou chaque fois que le conducteur a le cœur en fête ; aujourd’hui, celui-là semble heureux. Moi aussi, car j’aime voyager en train. On coupe les paysages, passe derrière les maisons, longe les friches, apercevant des pointillés de vie, des traces parfois plus éloquentes que les frontons trop bien organisés. Regarder par la fenêtre m’est un vrai bonheur. Je peux aussi dormir, rêver, lire, marcher sans contrainte, bien plus agréable que le voyage en autocar très prisé dans ce pays où le carburant ne coûte pas cher. De fait, nous ne sommes pas nombreux. Le train redeviendra peut-être un transport usité quand les Américains réfléchiront plus sur les conséquences écologiques de leur mode de vie. Président Obama se montre actuellement très volontariste pour lutter contre le dérèglement climatique. Le Sénat me semble traîner des pieds mais le sujet va, au moins, devenir un thème de campagne.
Nous passons par Philadelphie.
Lors de mon premier séjour en 2009, nous avions Marco et moi retrouvé un ami à la Fondation Barnes. A l’époque, elle se trouvait en banlieue dans la demeure d’origine du collectionneur, Albert C. Barnes (1872-1951), un pharmacien fortuné, amateur de peinture. Je ne vous parle pas de quelques dizaines de tableaux, mais de centaines dont plus de cent cinquante Renoir, une soixantaine de Matisse etc… Ce n’était pas un musée, c’était simplement sa maison, les tableaux et objets d’art disposés au gré de ses achats, de ses humeurs ou selon la place disponible entre les meubles. Au final, ce joyeux bordel m’avait fait oublier qu’il s’agit surtout d’impressionnistes, qui ne sont pas mes peintres favoris. Monsieur Barnes souhaitait surtout faire partager sa passion aux amis, aux étudiants et aux ouvriers de ses usines. Il lui est fréquemment arrivé de refuser l’entrée à des personnalités de la finance et même des arts. Depuis 2012, la collection est installée dans le centre ville de Philadelphia et fonctionne comme un musée, ce qui ne va pas sans quelques batailles juridiques car son legs stipulait que la disposition devait rester intacte, que les tableaux ne pouvaient voyager et que les touristes n’avaient pas le droit de visite. D’un côté, je suis ravie du mauvais caractère de ce monsieur, de l’autre, militante pour l’éducation populaire, je voudrais les musées gratuits et subventionnés.
Le train ralentit à maintes reprises, accompagné d’une annonce dont je capte un seul mot : « apologize »; j’en conclue que nous aurons accumulé quelques retards. Un ami nous a expliqué que les infrastructures ferroviaires appartiennent à des sociétés de transport qui les concèdent aux compagnies de voyageurs sans leur accorder la priorité sur les convois de marchandises. Et on me dit que j’exagère quand je soutiens que partout dans le monde, il est plus facile de voyager pour une banane que pour un humain. Pourtant, nous arriverons à l’heure à New-York où sous prétexte de fumer une cigarette, je mets le nez dehors pour me retrouver en plein Time Square. Bien que je sois très en avance pour mon avion, je renonce à baguenauder dans ce quartier qui reste définitivement pour moi un lieu mystérieux et je replonge dans les entrailles de la cité pour gagner l’aéroport de JFK.
J’apprécie que des hommes charmants me proposent à chaque volée d’escaliers de porter ma bien lourde valise. Je ne vis absolument aucun dilemne féministe face à cette attitude que d’aucunes taxeraient de condescendante (oh le vilain jeu de mot qui me vient à l’esprit!). Moi-même, je propose volontiers mon aide aussi bien aux hommes qu’aux femmes que je vois chargés.
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