Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula # 143: Lèche vitrine sans frontière
Quand on est nomade, on fait dans des lieux exotiques une chose que les touristes ne font pas: du shopping utilitaire. Paula pourrait être une experte en “shopping experience”.
M’occuper des chevaux, ça veut dire vivre au rythme de leur appétit, du ramassage du crottin et de leur envie ou pas de se laisser papouiller ou de partir en balade. Ça, j’aime beaucoup.
M’occuper de ma filleule, ça veut dire beaucoup de choses, dont répondre à son envie de faire du shopping. Ça, en dépit de mon désir de lui faire plaisir, j’aime beaucoup moins.
Parce que le ciel était menaçant, que ma motivation pour le « shopping » était proche du zéro, et que c’est pratique de trouver au même endroit beaucoup de magasins, nous sommes allées traîner dans un centre commercial de Genève. L’expérience ne m’a pas vraiment dépaysée; j’aurais pu être en France, en Turquie ou en Côte d’Ivoire, la différence n’était pas frappante. On trouve partout des Pères Noël et des sapins avec de la fausse neige. En Afrique, au moins, c’est cocasse. Dans de nombreuses villes où j’ai vécu – Abidjan, Abuja, Tunis et même Antananarivo – j’ai trouvé des centres commerciaux très classiques avec un hypermarché et autour une ribambelle d’enseignes internationales. Le concept de centre commercial – en soi – me désole profondément. Les voir d’un pays à l’autre si souvent pareils, avec les mêmes magasins, les mêmes lieux de restauration rapide et « les entendre » avec mêmes musiques de fond, en font prendre un coup à ma croyance dans le potentiel humain pour la fantaisie. Mais que diantre, un peu d’originalité, je ne sais pas, mettez des toboggans à la place des escalators! Du heavy metal en fond sonore et tout sauf du faux marbre.
Je ne suis pas économiste, mais je peux vous dire que le degré de développement économique se mesure à l’aune des centres commerciaux; plus la ville est dense et connectée, plus les centres commerciaux sont vastes.
Dans une ville comme Brazzaville, quand nous y vivions en 2011, on n’en trouvait que deux, qui tenaient plus du supermarché que « shopping mall », une enseigne chinoise et une autre, française. Les deux se faisaient face et il suffisait donc de traverser la route pour trouver chez l’un ce qu’il n’y avait pas chez l’autre. Ou ne pas trouver, d’ailleurs, car c’étaient de petites surfaces bien peu achalandées. Au moins le choix y était rapide, car chaque produit s’y déclinait en seulement deux ou trois marques. Et quand vous trouviez un article correct: céréales, confiture, biscuits ou tout autre produit nécessaire au confort, vous en preniez au moins trois; nul ne pouvant savoir quand on en trouverait de nouveau. A recommander pour ceux qui ont des nostalgies soviétiques.
A Istanbul je suis tombée en arrêt devant des supermarchés MIGROS®. Pour moi, MIGROS est enraciné dans le sol helvétique au même titre que le Vacherin, le Fendant et le couteau multi-fonction (un fromage, un vin et l’ustensile pour pouvoir les apprécier). C’est le plus grand détaillant de Suisse, et il compte parmi les cinq cents plus grandes entreprises mondiales.
En 1955, la marque s’est implantée en Turquie, puis l’enseigne turque est devenue indépendante en conservant le droit d’utiliser le nom, bien sûr contre monnaie « sonnante et trébuchante ». Il y a une petite différence – paradoxale – entre les magasins suisses et turcs: on trouve de l’alcool chez les Turcs, alors que la vente en est prohibée en Suisse, car le fondateur pensait que c’était mauvais (on est Protestant ou on ne l’est pas!). Faudrait-il en déduire, messieurs les économistes libéraux, que la Turquie est plus développée que la Suisse?
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