Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #135: 20 ans d’Afriques…

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Paula, assise sur la terrasse dans la fraîcheur toute relative de la nuit abidjannaise, réalise que cela fait 20 ans qu’elle vit en Afrique.

 

En septembre 1997, je débarquai à Nairobi pour une mission de six mois dans le camp de réfugiés de Dadaab. J’étais impatiente de me trouver confrontée à la réalité du terrain, de mettre en pratique tout ce que je venais d’apprendre au cours de ma formation humanitaire. L’Afrique avait une place dans mon histoire familiale, avec une tante qui avait passé une bonne partie de sa vie à alterner séjours africains et français, mais je n’avais pas une attirance particulière pour ce continent. L’Asie m’attirait davantage; c’est au retour d’un voyage de trois mois en Inde et en solitaire que j’avais décidé de bifurquer dans l’humanitaire après des années de travail social en France. L’Amérique de Sud aussi m’avait un temps séduite, et j’avais pensé partir y travailler à l’issue de mes études d’agronomie, jusqu’à ce que je réalise que je n’étais alors pas prête pour le grand bond.
 
J’étais au Kenya après avoir refusé un premier poste en Sierra Leone où la situation sécuritaire m’aurait empêchée de quitter la capitale – d’ailleurs, trois mois plus tard, les rebelles du RUF encerclaient Freetown, et la mission était évacuée.
 
Je voulais être sur le terrain, je voulais côtoyer les « populations en détresse ». Mon expérience dans le social me permettait de ne pas imaginer « sauver des gens » mais si mon travail pouvait améliorer quelque chose, ça me semblait suffire. Cette mission a été celle qui se rapprochait le plus de l’urgence. J’ai vite réalisé que je préférais le champ du développement, celui où il s’agit de construire plutôt que de réparer.

Depuis, j’ai donc vécu en Afrique avec parfois des périodes de soudure en France et une incursion de quelques mois en Haïti. Pour moi, il y a autant d’Afriques que de pays africains. Parfois, des gens me disent « alors, tu connais l’Afrique! »; je n’en suis pas convaincue. J’y connais une dizaine de pays, certains mieux que d’autres pour y avoir séjourné un temps suffisant pour commencer à en capter les humeurs. Je sais alors déchiffrer des comportements, repérer des singularités, retrouver des similitudes et interpréter les événements et parfois même les anticiper. C’était le cas du Nigeria (2005-2008) où ma curiosité, mon travail de responsable des subventions aux ONG locales et la diversité du pays m’obligeaient à suivre l’actualité de très près.
 
Autre question rituelle: quel pays d’Afrique est-ce que je préfère? Si la question vient d’un Africain que je ne connais pas bien, ma réponse est: « mais votre pays, bien sûr!« .  À vrai dire, je ne suis pas fichue de répondre à cette question. Ce n’est pas le pays que j’apprécie, mais ce que j’y vis. J’ai des attachements, quelques nostalgies mais aucun pays d’Afrique ne me donne envie de m’y installer. Soyons honnête, aucun pays ne suscite chez moi cette envie. Je suis nomade dans l’âme, aucun doute.
 
La Côte d’Ivoire est l’un des pays que je connais le mieux. De 2008 à 2011, j’y ai vécu, travaillé, aimé – c’est là que Marco et moi nous sommes trouvés – et même tremblé pendant la crise post-électorale avant d’en être évacuée quand ma présence ne se justifiait plus. Nous y sommes revenus l’an dernier et dans quelques jours, nous en repartirons. Mais, comme je n’ai pas pu trouver de travail, j’ai eu le sentiment de ne pas être vraiment là, de rester en marge du pays.

Équipe ivoirienne junior vice-championne des clubs en sauts d’obstacles 

« En marge », sauf lorsque j’ai appris que la Côte d’Ivoire a remporté la médaille d’argent du Mondial des Clubs 2017 réunissant des équipes de jeunes sportifs d’Algérie, du Cambodge, du Chili, de Côte d’Ivoire, de Grande-Bretagne, d’Inde, d’Irlande, d’Italie, du Luxembourg et de France. Ne cherchez pas dans L’Equipe ou So Foot, il s’agit d’équitation, activité que je pratique quelque soient les pays d’Afrique que je fréquente.  Ces jeunes, je les connais et je partage leur fierté.
 
 
 Tout Nomad’s land

 

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