Les Carnets d’ailleurs de Marco & Paula #129 : « On the road again »
La vie nomade – ce beau cliché romantique – connaît aussi ses périodes de lassitude, et Marco récemment se sentait las. Jusqu’à ce qu’un « boubou » endiablé le tire de sa complaisante mélancolie.
Il y a des moments où notre nomadisme me lasse. Comme en ce moment précis. Le projet sur lequel je travaille depuis 14 mois – oui, en bon nomade, je compte en mois, pas en années – va se clore dans un mois (exactement), et je n’ai pas idée de l’endroit où nous serons dans six semaines, pas idée de la longueur de temps que nous y passerons, et pas idée de ce que Paula ou moi pourrions y faire. Pas plus d’idée non plus de ce que nous ferons, et où, dans six mois d’ici. Cette incertitude, parfois, nous lasse.
Une possibilité est que, le lendemain de la clôture du projet, je doive commencer à travailler sur un autre projet à Ouagadougou. Pour trois mois. Mais l’appel d’offres n’a pas encore été fermé. Une autre possibilité est que nous devions attendre deux ou trois mois avant que je ne prenne un poste d’assistant technique à Ouagadougou pour deux ans et demi. L’appel d’offres a été déposé il y a un mois et demi, et personne ne sait où en est le processus. Les dieux cruels ont aussi fait miroiter devant mes yeux un peu hébétés la possibilité de prendre un poste au début de l’an prochain à Abidjan (en plus de cela, le bureau aurait été au bout de la rue sur laquelle se trouve notre appartement), mais cette possibilité semble avoir été noyée par les pluies diluviennes qui, depuis deux semaines, tombent à intervalles de quelques jours sur la ville. Et il y a sans doute aussi quelques autres possibilités qui ont dû m’échapper car, tout à ma tâche de clôture du projet, je n’ai pas le temps nécessaire pour aller saisir dans les filets du net les opportunités qui filent comme des feuilles mortes dans les caniveaux engorgés par la pluie. Toute cette pluie qui nous lasse aussi, je dois dire.
Quatorze mois au même endroit – je commençais l’autre jour à pester contre la brièveté de notre séjour ici quand j’ai réalisé que c’était notre plus longue halte depuis 2010. Quand j’ai dû préparer un petit bagage il y a trois jours pour l’atelier depuis lequel je torture ma plume cette semaine, je pestais comme un conducteur de chameaux d’avoir, encore une fois, à faire la valise. Faire la valise, voilà quelque chose qui me gave grave. Et m’est venu en tête, comme souvent en ces circonstances, cet air lancinant d’harmonica du single, « On the road again »*, bon vieux blues mélancolique des années soixante. Et celui-là, il ne me lasse pas.
Une possibilité est que, le lendemain de la clôture du projet, je doive commencer à travailler sur un autre projet à Ouagadougou. Pour trois mois. Mais l’appel d’offres n’a pas encore été fermé. Une autre possibilité est que nous devions attendre deux ou trois mois avant que je ne prenne un poste d’assistant technique à Ouagadougou pour deux ans et demi. L’appel d’offres a été déposé il y a un mois et demi, et personne ne sait où en est le processus. Les dieux cruels ont aussi fait miroiter devant mes yeux un peu hébétés la possibilité de prendre un poste au début de l’an prochain à Abidjan (en plus de cela, le bureau aurait été au bout de la rue sur laquelle se trouve notre appartement), mais cette possibilité semble avoir été noyée par les pluies diluviennes qui, depuis deux semaines, tombent à intervalles de quelques jours sur la ville. Et il y a sans doute aussi quelques autres possibilités qui ont dû m’échapper car, tout à ma tâche de clôture du projet, je n’ai pas le temps nécessaire pour aller saisir dans les filets du net les opportunités qui filent comme des feuilles mortes dans les caniveaux engorgés par la pluie. Toute cette pluie qui nous lasse aussi, je dois dire.
Quatorze mois au même endroit – je commençais l’autre jour à pester contre la brièveté de notre séjour ici quand j’ai réalisé que c’était notre plus longue halte depuis 2010. Quand j’ai dû préparer un petit bagage il y a trois jours pour l’atelier depuis lequel je torture ma plume cette semaine, je pestais comme un conducteur de chameaux d’avoir, encore une fois, à faire la valise. Faire la valise, voilà quelque chose qui me gave grave. Et m’est venu en tête, comme souvent en ces circonstances, cet air lancinant d’harmonica du single, « On the road again »*, bon vieux blues mélancolique des années soixante. Et celui-là, il ne me lasse pas.
Pour échapper à la morosité qui nous menaçait, Paula l’autre soir nous a emmenés voir un spectacle – le boubou – du danseur et chorégraphe malien Sekou Keïta, un grand diable d’homme à la voix et au visage angéliques. Sa chorégraphie, inspirée par la musique et les danses maliennes, m’a quasi envouté, peut-être à cause d’évocations de cérémonie vaudoue que l’on pouvait y trouver en filigrane (ce qui, entre parenthèses, est un parfait anachronisme géo-culturel, puisque le Vaudou plonge ses racines au Bénin).** Sur un fonds d’images vidéo tournées au Mali – pour une bonne part des extraits de cette même chorégraphie filmée sur la place poussiéreuse d’un village – huit danseurs et danseuses bondissaient avec une gestuelle extrêmement précise mêlant des danses traditionnelle maliennes avec du street danse new-yorkais, entraînés par un chorus rythmique – souvent effréné mais très construit – soutenu par une dizaine de joueurs de djembe sculpturaux.***
J’avais craint de devoir assister à une palinodie de danses traditionnelles – ce dont j’ai parfaitement horreur. Enchantement : « le boubou » est tout le contraire. C’est un texte rythmique et chorégraphique entremêlé de chants et sous-tendu par une réflexion sur le monde – réflexion qui m’a essentiellement échappé, bien sûr. Mais qu’importe, j’étais sous le charme de sa modernité et pas près de m’en lasser.
* « On the road again » de Canned Heat (1968). Attention, ça n’est pas du blues en boîte, ça sonne un peu rugueux, comme le blues malien.
** Anachronisme temporel aussi sans doute, puisque selon le site Vodou Lakay, la religion Vaudou est vieille de cinquante quatre millions d’années !!
*** extraits.
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