Apprendre à planter des poireaux en Normandie: Les carnets d’ailleurs #157

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En attendant de trouver un contrat au Soudan ou au Mali, Paula apprend enfin à planter des légumes et à peindre en Normandie …

J’ai dormi la nuit dernière dans une chambre inconnue; la quatrième en dix jours. Alors, j’ai tâtonné pour trouver l’interrupteur, sans panique, j’ai l’habitude. En fait, je suis plus déboussolée dans les cuisines quand je cherche en vain le verre doseur que je suis certaine d’avoir vu dans ce placard-là. Je finis par admettre qu’il s’agissait d’un placard dans un autre espace-temps. Mais ce n’est pas grave – Malich! diraient les Algériens – je sais mesurer la farine à la cuillère à soupe et surtout je cuisine rarement des plats sophistiqués.

 

Localisation du bac de Duclair … 

Nous sommes installés dans la campagne normande pour la convalescence de Marco mais je pars parfois à la capitale. De Rouen à Paris, les trains ne mettent qu’une heure trente. C’est long de voyager debout les jours où nous, voyageurs, sommes plus nombreux que les trains parce que les cheminots sont fâchés. Avant d’en arriver là, j’ai dû découvrir les vicissitudes du transport dans les boucles de la Seine entre Rouen et Le Havre. La ligne droite n’existe pas car le fleuve ne se traverse qu’à de rares endroits. Aussi, depuis la ferme en bord de Seine où nous logeons, j’ai marché un petit kilomètre jusqu’à l’arrêt du FILO’R où m’attendait un minibus. Je l’avais réservé la veille: ici, on voyage à la demande car les lignes régulières ne sont pas rentables. Le minibus dont j’étais l’unique passagère m’a déposée au bac. Sur l’autre rive, j’ai dû attendre – longtemps – le car pour Rouen puis marcher encore une quinzaine de minutes jusqu’à la gare, ayant trouvé inutile de prendre le métro. De porte à porte, le trajet a duré quatre heures. Une durée à l’africaine, rien d’extravagant.
 
Je m’étais demandé comment occuper tout ce temps à venir, bloquée avec Marco en France. Ma recherche de contrat est suspendue en attendant qu’arrivent dans les jours qui viennent des réponses à diverses candidatures: un contrat de trois mois au Sud Soudan, deux contrats à long terme au Mali, un autre au Burkina Faso, des pays charmants que je rêve de découvrir. Sinon, je peux suivre encore un MOOC, ranger mon ordinateur, chercher les verres doseurs, rien de bien tangible.

 

En fait, depuis une vingtaine de jours, j’enchaîne les travaux en tout genre. Hier, j’étais maraîchère. Ce week-end, j’étais peintre. Demain, je serai éditrice. Le maraîchage me ramène trente ans en arrière, lorsque je pensais partir dans un village de l’Altiplano pour planter des légumes dans des écoles. Je finissais juste mes études agricoles avec une spécialisation dans les vaches laitières et la sociologie rurale. Aussi, j’ai finalement décliné le poste. Je ne l’ai jamais regretté; je ne sais pas ce que j’aurais pu apporter aux paysans péruviens, je ne savais même pas planter un poireau. Maintenant, je sais.
 
Peindre est un art que je ne maîtrise pas vraiment. Pour l’acquérir il faut de la pratique, c’est-à-dire être fixé quelque part suffisamment longtemps pour imaginer changer la couleur des murs. J’avais déjà manié le pinceau mais jamais le rouleau. Maintenant, je sais.
 
L’édition de documents traduits de l’anglais est assez motivante. J’édite pour un ami dont l’entreprise de traduction s’est spécialisée dans les documents des agences multilatérales de développement. Les sujets m’intéressent et je les connais bien. Récemment, j’ai revu un projet élaboré pour la lutte contre les violences basées sur le genre au Congo (RDC). Bien sûr, il n’est pas question de modifier le contenu, mais j’aurais bien mis mon grain de sel. Le prochain document porte sur un projet de réduction de la pauvreté au Mali. Je compte bien glaner des informations pour les postes pour lesquels j’ai postulé.

Tout Nomad’s land

 
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