🎹 Bertrand Chamayou : j’ai même rencontré un pianiste heureux !

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Un artiste consacré qui accepte une interview, hors de toute campagne de promotion, cela devient si rare qu’il convient d’abord de le souligner. Si Bertrand Chamayou est déjà un immense pianiste, il est encore un humain accessible et, malgré une légère timidité, un artiste qui sait parler avec feu de ce qui transcende sa vie: la musique et le piano. A moins que ce ne soit le contraire. 

Paroles et Musiques du 19 avril 2018.

À peine débarqué dans la salle de piano de l’École Normale de Musique de Paris où nous nous sommes donné rendez-vous, tout de suite cette impression un peu enfantine et très naturelle à la fois, d’avoir la chance inouïe de rencontrer, encore plus qu’une star, un authentique artiste.

Au jeu des sept erreurs …

C’est ici même, sous ce haut plafond, entre les dorures discrètes des murs, que le grand Alfred Cortot enseigna. Cortot la référence de géants aussi différents que Martha Argerich, Alfred Brendel, Nelson Freire ou encore Murray Perahia.
Le lieu en impose. Le fantôme du Maître serait ici presque encore audible, juste entre les deux pianos silencieux qui trônent au centre de la pièce.
La première fois que j’ai rencontré Bertrand Chamayou, il devait avoir 17 ans.
Festival de Gstaad. Une maison de disques avait attiré mon attention sur ce jeune pianiste décidément très étonnant. J’étais, alors que je le filmais, loin d’imaginer l’extraordinaire carrière qui attendait cet adolescent à l’accent de Toulouse. Je me souviens de son sérieux, de son sens des responsabilités, très étonnant à son âge, de son ambition de feu, mais aussi de sa fragilité mal masquée, et de ses mouvements vaguement empatés rappelant son âge. 20 ans plus tard, je le trouve plus détaché, plus joyeux et plus apaisé aussi. Comme s’il était aujourd’hui plus jeune qu’hier. En le regardant s’approcher de moi, tout sourire, la main tendue, j’ai cherché ce qu’il restait encore du jeune homme. Jeu des sept différences très troublant.
A en juger par sa silhouette de jeune homme, on pourrait encore prendre Bertrand Chamayou pour un élève de l’école, mais ne nous y trompons pas, il est déjà, malgré son âge (37 ans), un maître reconnu sur toutes les scènes du monde, un héros globe-trotteur du clavier, adulé et respecté. Peut-être parce que l’air des sommets de la musique où il vit est plus frais, entrant dans cette pièce où la chaleur naissante du printemps parisien semble alourdir l’air, Chamayou rafraichi, de sa seule présence, la salle de musique. Comme on s’approche d’une rivière, Bertrand Chamayou nous offre, en guise de bonjour, un clair de lune profond et calme de Debussy.

Paroles de musicien

On dit de Bertrand Chamayou qu’il est toujours pressé, toujours entre deux avions, entre deux concerts épiques qui l’attendent, mais ce matin, il va prendre son temps comme si, dans l’instant, rien n’était plus important pour lui que notre rencontre. C’est un jeune homme qui nous parle. Un discours de doux conquérant, aussi rêveur que déterminé, aussi introspectif que précis. Instant privilégié de confidences et de réflexions. Echange rare dans la petite vie d’un interviewer.

J’ai toujours vécu ma carrière comme un rêve à accomplir.
Oui je suis heureux car j’ai accompli quelque chose, j’ai l’impression de continuer un état onirique, comme si j’étais en état d’évasion permanente.

Bertrand Chamayou – Desmotsdeminuit.fr , 2018.

Chamayou, tout à la fois réfléchi et spontané, se confie sur son enfance, ses goûts, sa formation et ses projets. De phrase en phrase, toujours l’étonnante puissance de son désir d’expériences et de défis. Un moteur ou un carburant? Ou peut-être une boussole?

En septembre 2018,  Saint-Saens revit sous les doigts de Bertrand Chamayou pour un enregistrement chez Warner classique Erato.
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