Un peu plus de dix jours de traversée pour arriver à Mahé aux Seychelles, fatigués et avec une envie de terre ferme. Une fois le mouillage opéré, les premières fourmis dans les jambes se sont manifestées. Après une journée d’attente pour les formalités, nous voici libérés et prêts à découvrir cette terre attendue.
Après avoir essuyé grains sur grains, sur une mer que les météo auraient qualifiée de modérée à forte, hachant nos heures entre concentration extrême et repos indispensable, nous avons touché terre à Victoria, sur l’île de Mahé aux Seychelles. Comme toujours, nous avons pris le maximum de renseignements sur les zones de mouillage. Nous ne nous arrimons jamais aux corps morts, ces blocs de béton posés sur le fond, reliés par une corde à une bouée, nous n’avons pas confiance. C’était déjà le cas avant ce voyage, cela s’est confirmé après l’accident de Pipistrelle à Boddam, dans l’archipel de Salomon aux Chagos, pour une amarre rompue. Ce bateau qui a failli finir sa vie sur le récif et s’est retrouvé avec « seulement » une avarie de moteur grâce aux skippers de bateaux voisins qui ont bataillé une nuit entière tentant d’immobiliser le bateau avec leurs dinghies afin qu’il ne se fracasse pas définitivement sur le corail.
Nous avons opté pour une petite marina, dite Marina du Yacht club des Seychelles. On ne se met pas à imaginer des yachtmen en polo et short blanc, casquette siglée sur la tête et yacht de rêve (enfin pour ceux que cela fait rêver). Le Yacht club des Seychelles est une petite maison de béton et de bois toute simple avec son restaurant et son bar. Pour bénéficier de ses services, douche froide, électricité et eau à volonté, la cotisation obligatoire est tout simplement dérisoire, la simplicité mêlée à la gentillesse est, elle, de rigueur. Nous voilà donc installés. D’un côté les énormes thoniers, bretons, réunionnais, Seychellois à quai, usines sur l’eau en activité permanente, moteurs tournant jour et nuit pour maintenir les chambres froides en température, de l’autre la ville de Victoria, lovée au pied de fantastiques montagnes de granit brun.
On ne pense finalement jamais à cela. En arpentant les trottoirs, nous donnons à notre corps de nouvelles instructions, il faut aller loin, sans se presser. Jusqu’alors, il avait pour mission de monter et descendre quatre marches, aller d’avant en arrière sur dix mètres et compenser roulis et tangage. Un petit soucis tout de même, chez moi, cette fonction n’a pas été déconnectée à terre. De fait, je compense ce qui n’existe pas, par voie de conséquence, je tangue à terre. C’est ce que l’on appelle le mal de terre. Visuellement cela pourrait laisser à penser que je suis atteinte d’une légère ébriété. Cela passe en deux trois jours, et à mon niveau plus amusant que perturbant.
Cette première semaine à terre nous a permis de découvrir Victoria. Dans un mélange de français, anglais et créole, nous avons navigué de magasins d’avitaillement, en office de tourisme, de découvertes culinaires (curry bien épicés), en péripéties administratives.
Il ne faut pas se leurrer, aux Seychelles, comme d’ailleurs dans une bonne partie des îles du sud de l’océan Indien, la vie est chère dès lors que l’on veut vivre comme dans l’hémisphère nord. Tous les produits d’importation subissent frais de transport et taxes, il faut donc s’adapter et cela tombe bien, nous adorons ça. L’adaptation passe par la débrouille et l’une de ses composantes est la discussion avec les autres marins. Le lieu idéal sera toujours autour d’une bonne bière locale, si vos amis marins sont des anglo saxons. C’est le cas. Les rencontres sont faciles et les cercles toujours prêts à s’élargir pour les nouveaux venus. Un détail, on ne vous appelle jamais au départ par votre nom, mais par celui du bateau. Donc ici « Morning glory », ses propriétaires, des New yorkais, sont partis pour trois ans, et attaquent la deuxième année, « Pipistrelle » les malheureux échoués sont Britanniques et attendent leurs pièces détachées avant de penser repartir, ils ont loué un appartement, « Ceyilin » des Canadiens que nous avons déjà croisés aux Chagos… Chacun y va de son bon tuyau, l’obsession des uns et des autres tourne autour du bon pain. Il est clair que les marins aiment manger et surtout bien manger. C’est « Solstice », le Californien en tour du monde depuis quatre ans qui nous trouve le meilleur tuyau d’avitaillement.
Mais bon, ce n’est pas tout ça. Une fois le bateau servi, il est prioritaire dans toutes nos activités, lavé, rincé, bichonné, nous nous offrons une balade, en bus dans le sud ouest de l’ile. En tant que tel le bus est déjà une aventure, mais oublier le bateau 24h, malgré toute l’affection que nous pouvons lui porter a du bon.
Demain, nous partons vers La Digue et Praslin, nous avons besoin de nous mettre à l’eau, de nager tous les jours et d’inspecter la coque de Shakespeare. Nous risquons d’avoir besoin d’un carénage, encore du travail en perspective.
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