On ne naît pas thésard, et on s’étonne souvent de l’être devenu… Un choix de vie assumé, au prix de quelques angoisses.
Le lundi, la BNF n’ouvre qu’à 14h donc je travaille en général chez moi, ce qui m’arrive aussi quand une grosse flemme me souffle que je serais aussi bien à bouquiner sur mon fauteuil le livre que je viens d’acheter.
Travailler chez soi, il ne faut pas se leurrer, reste le plus grand luxe du thésard. Quand je me réveille et que la pluie ou un froid glacial vient battre les vitres, que je m’imagine remonter l’interminable quai d’Austerlitz pour atteindre le paquebot de la BN, mon ordinateur sous le bras et un parapluie dans l’autre, éclaboussée par la file ininterrompue de voitures et humiliée par les travailleurs ultra-lookés de Natixis qui jaugent mon look d’étudiante, je me dis que la folie a des limites et que j’ai mérité une journée off.
Je m’enveloppe dans une couverture – parce que mon chauffage électrique est quand même moins performant que celui de la BN, et que l’immobilité réchauffe rarement – je pose un thé à côté de mon fauteuil, je prends un pléiade de Proust, le petit carnet sur lequel j’écris mes idées quand je décide de boycotter mon ordinateur, et que la fête commence !
Ces matins-là, je retrouve le sentiment de bonheur immérité que j’avais quand j’étais à l’école maternelle et que ma mère décidait – en une sorte d’acte gratuit qui m’a donné une première intuition de ce que pouvait être la liberté, ou simplement dire merde au monstre des contraintes à plusieurs têtes qui menace de nous dévorer – quand ma mère décidait de ne pas m’emmener à l’école parce que j’étais un peu fatiguée. Comme j’étais entrée en maternelle à 2 ans et demi (une légende familiale difficilement crédible prétend que je pleurais pour aller à l’école, comme ma grande sœur), l’alibi d’une petite fatigue était facilement gobé par les institutrices successives. Dans les faits, la fatigue était vite dissipée et on se retrouvait en général à la piscine municipale ou à manger de la crème de marron avec ma petite sœur (qui, elle, n’avait encore aucun compte à rendre à l’école) pour une journée de vacances requinquante.
25 ans après, je continue à me sentir en fraude quand je travaille chez moi au lieu d’aller à la bibliothèque. Pourtant, d’un point de vue de stricte efficacité, je ne suis pas sûre que faire le pied de grue ou s’endormir à la BN soit forcément plus productif que lire huit ou neuf heures chez soi, sans la tentation de faire des pauses avec les amis qui viennent nous taper sur l’épaule. Mais le travail, c’est « aller au turbin« , et aller au turbin, c’est sortir de chez soi et prendre le RER ou le métro comme tout le monde. Donc rien n’y fait, quand je travaille chez moi, je culpabilise toujours un peu, même si c’est peut-être là que je travaille le mieux.
Travailler chez soi, il ne faut pas se leurrer, reste le plus grand luxe du thésard. Quand je me réveille et que la pluie ou un froid glacial vient battre les vitres, que je m’imagine remonter l’interminable quai d’Austerlitz pour atteindre le paquebot de la BN, mon ordinateur sous le bras et un parapluie dans l’autre, éclaboussée par la file ininterrompue de voitures et humiliée par les travailleurs ultra-lookés de Natixis qui jaugent mon look d’étudiante, je me dis que la folie a des limites et que j’ai mérité une journée off.
Je m’enveloppe dans une couverture – parce que mon chauffage électrique est quand même moins performant que celui de la BN, et que l’immobilité réchauffe rarement – je pose un thé à côté de mon fauteuil, je prends un pléiade de Proust, le petit carnet sur lequel j’écris mes idées quand je décide de boycotter mon ordinateur, et que la fête commence !
Ces matins-là, je retrouve le sentiment de bonheur immérité que j’avais quand j’étais à l’école maternelle et que ma mère décidait – en une sorte d’acte gratuit qui m’a donné une première intuition de ce que pouvait être la liberté, ou simplement dire merde au monstre des contraintes à plusieurs têtes qui menace de nous dévorer – quand ma mère décidait de ne pas m’emmener à l’école parce que j’étais un peu fatiguée. Comme j’étais entrée en maternelle à 2 ans et demi (une légende familiale difficilement crédible prétend que je pleurais pour aller à l’école, comme ma grande sœur), l’alibi d’une petite fatigue était facilement gobé par les institutrices successives. Dans les faits, la fatigue était vite dissipée et on se retrouvait en général à la piscine municipale ou à manger de la crème de marron avec ma petite sœur (qui, elle, n’avait encore aucun compte à rendre à l’école) pour une journée de vacances requinquante.
25 ans après, je continue à me sentir en fraude quand je travaille chez moi au lieu d’aller à la bibliothèque. Pourtant, d’un point de vue de stricte efficacité, je ne suis pas sûre que faire le pied de grue ou s’endormir à la BN soit forcément plus productif que lire huit ou neuf heures chez soi, sans la tentation de faire des pauses avec les amis qui viennent nous taper sur l’épaule. Mais le travail, c’est « aller au turbin« , et aller au turbin, c’est sortir de chez soi et prendre le RER ou le métro comme tout le monde. Donc rien n’y fait, quand je travaille chez moi, je culpabilise toujours un peu, même si c’est peut-être là que je travaille le mieux.
À suivre.
Tous les vendredis, Le journal d’une thésarde.
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