Le murmure d’outre Atlantique… Le Laboratoire de Lumière. Semaine 41

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C’est dans un petit bar à l’atmosphère tiède que j’ai décidé de passer une partie de la journée. J’y avais déjà fait une pause, en avais apprécié l’ambiance feutrée et le Jazz que diffusent les hauts-parleurs dissimulés dans le plafond. Je peux y réfléchir et me laisser bercer entre deux réflexions par les conversations murmurées de mes voisins de table…

… Il y a les solitaires au bar qui parlent un peu trop fort, pour partager leurs bons mots sur l’actualité avec la jolie serveuse. Il y a le jeune patron qui se donne des airs un peu stricts, mais qui ne cache pas son sourire à l’arrivée des couples de passage à l’accent anglo-saxon et des bandes de copains habituées de la maison. Je suis là, parce que je m’y sens bien, anonyme et tranquille. Dans un petit coin pour faire le point avant d’aller un peu plus loin. Faire une petite mise au point technique. Établir une liste de matériel pour réaliser les images que je souhaite ramener de ce voyage rapidement décidé. Liste qui, quoiqu’il arrive, va s’avérer trop longue et surtout trop lourde. J’écris, j’efface, je recommence. Quand je relis, on dirait un catalogue de matériel photo. J’efface. Il faut que je me décide. Trop lourd, pas assez puissant, encombrant, sont les termes qui se retrouvent souvent en face de chaque type de matériel que je note. C’est l’heure de déjeuner dans le petit café, on m’apporte la carte: trop de choix… Finalement je prends le menu du jour: Duo de poissons de l’Atlantique. Je prends sans hésiter. Le poids est mon ennemi dans cette aventure. Des mots attrapés à la volée, des éclats de rires me font déjà voyager, il me faudra être léger et discret.
Dans presque trois semaines, je serai dans les airs, et là il ne sera plus question de faire machine arrière. Le choix du matériel photographique à transporter pour ma petite expédition au Canada doit être rigoureux. Pas question de s’encombrer, pas question de succomber au poids du matériel!
Lors d’un reportage à Saint-Domingue (République Dominicaine) en 2003, un des premiers que je réalisais avec du matériel numérique, à la demande d’un client, et à plus de sept mille kilomètres de chez moi, j’avais dû en emporter plus de quatorze kilos. Un appareil photo numérique, différentes optiques, un ordinateur et pour réaliser des images sous-marines un boîtier étanche. Mais là ne s’arrêtait pas la liste. Pour sécuriser le reportage -l’histoire ne me donnera pas tort- j’avais emporté des films et deux boîtiers mécaniques, capables de résister au climat et dont j’étais surtout sûr de la fiabilité, contrairement au matériel numérique qui ne m’inspirait à l’époque qu’une maigre confiance. Je devais chaque soir sélectionner les meilleures images de la journée afin de les mettre sur le site internet du client. C’était il y a plus de dix ans. Les connexions sur la belle île paradisiaque n’étaient pas aussi performantes que le laissait entrevoir le repérage fait par l’agence. La belle euphorie du numérique s’était arrêtée, le troisième soir… Les hôtels dans lesquels nous nous reposions le soir après les balades de la journée n’étaient finalement pas tous équipés du matériel nécessaire et souvent le système était défectueux. J’en garde un souvenir douloureux. Je devais doubler l’ensemble des images réalisées en numérique, par des prises de vues en argentiques.
Il est vrai, qu’à quelques jours du départ, je ne peux m’empêcher de penser à tout cela. J’ai envie de voyager léger. De tout inverser. De ne pas m’encombrer. Il y a du matériel que je peux trouver sur place à Montréal, tel qu’un pied photo pour réaliser des images de nuit en poses longues pour voir les étoiles et les nuages raconter des histoires

Le temps de pose utilisé pour les prises de vues de nuit est un vrai temps de pause. Entre les deux claquements du miroir de l’appareil photo, je peux entendre les bruits de la ville au loin. La rumeur de la nuit, un train qui passe, le miroir redescend dans un bruit de mécanique. Clac ! Je recommence l’opération dans le silence que je m’impose pour écouter la nuit.

J’ai envie de mettre un peu d’adrénaline dans cette aventure outre-Atlantique, alors pourquoi ne pas travailler en argentique? Et livrer le secret des banquises.

« Le goût du danger,
Des routes à prendre ou à laisser ?
Est-ce que vous en avez ? »

Alain Bashung

LLL. Semaine. 41

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