Une mécanique capricieuse avait momentanément stoppé mes déplacements. Le problème réglé, je reprends la route. J’ai consacré mes premières balades à la visite de différentes expositions: La 3ème édition du Festival photoreporter de St-Brieuc; de l’art contemporain à Perros-Guirrec. Je suis en quête d’idées concernant l’accrochage des images pour celle que je vais réaliser, en juin prochain aux Jardins de Mémoire dans le Morbihan.
Mes recherches sur le sujet m’ont amené à rencontrer Patrick Kergadallan, ferronnier d’art afin de découvrir ce métier d’un peu plus près et d’envisager une petite formation au maniement du métal dans le but de réaliser des supports pour mes images. L’atelier de Patrick est situé à une dizaine de kilomètres du Laboratoire de Lumière. Il me reçoit dans son antre. Un feu de cheminée tiédit l’atmosphère de cet endroit décoré par de nombreuses créations en métal tout droit sorties de la forge de cet artiste. Une radio, invisible dans ce décor, est réglée sur une station diffusant du Jazz, ce qui n’est pas pour me déplaire. L’ambiance est propice à l’échange. Je lui parle de mon projet en dégustant un café, il me parle de son métier en roulant des cigarettes. L’endroit regorge de trésors où l’œil s’accroche et les idées fusent. En partant j’ai l’impression d’avoir de nouveaux outils pour travailler. Nous serons amenés à nous revoir prochainement. C’est avec d’autres idées que je suis retourné dans le Morbihan voir Lionel Lemaguer le propriétaire des Jardins de Mémoire.
Il est tôt, il fait encore nuit lorsque je pars du Trégor pour traverser la Bretagne du nord au sud. Mille idées concernant l’exposition me passent par la tête durant ce trajet. Deux mille sera le nombre au retour de ce voyage. À mon arrivée dans le Morbihan je réalise quelques images du parc alors que le jour se lève tranquillement. Le ciel est clément, l’air est frais: un temps idéal pour faire des images pour le repérage. Je consacre deux heures à me promener dans ce lieu étonnant que modèle la lumière du matin. J’y croise quelques promeneurs solitaires. Ce lieu est vivant. Je tourne, je rôde, j’attends la lumière. Lionel lui aussi est matinal, nous nous saluons et fixons l’heure de notre déjeuner à onze heures trente.
Cela me laisse du temps pour arpenter ce parc que l’automne a déjà commencé à peindre de ses couleurs. Le sol est couvert de rosée. J’ai la tête tournée vers la cime des arbres et les pieds trempés; la prochaine fois il faudra que je pense à mettre une paire de bottes dans le coffre de la voiture. La beauté du paysage me fait vite oublier l’humidité et la fraîcheur de cette belle matinée, mais pas les points techniques d’une telle exposition. Où accrocher les images? Comment créer des supports capables de résister à trois mois d’exposition en plein air? Ce sont des questions qui surgissent alors que je fais mon repérage dans la partie aménagée de ce parc qui s’étend sur 45 000 mètres carrés. L’autre partie est constituée d’un immense bois, que je n’ai pas encore visité et qui n’est, à ce jour, pas encore aménagé. Et c’est là la surprise que Lionel me réserve. J’étais persuadé que nous allions présenter les images dans la partie aménagée du parc. Il n’en sera rien.
Lorsque je retrouve Lionel à l’heure convenue, je ne sais encore rien de son nouveau projet. À table devant une entrecôte bleue pour lui et saignante pour moi, nous discutons de choses et d’autres. Je lui rends deux des ouvrages qu’il m’a confiés – celui de Kahlil Gibran (Le Prophète) et celui de José Saramago (Les intermittences de la mort) – le troisième, de Vladimir Jankélévitch (L’irréversible et la nostalgie) est en cours de lecture. Nous bavardons de ces livres que j’ai lus avec beaucoup de plaisir et du projet. Je lui parle de ma rencontre avec un ferronnier pour concevoir des supports.
Lionel écoute attentivement mon exposé technique et soudainement me coupe en m’annonçant qu’il va créer une promenade d’un kilomètre de long à l’intérieur du bois qui compose une partie du parc et que c’est là que se fera l’exposition. Ses yeux brillent lorsqu’il me parle du chemin qu’il va faire. Il me donne quelques détails. J’imagine le travail qu’il devra réaliser pour aménager cette forêt au bord de l’eau. Je veux voir ça. Je propose immédiatement d’aller découvrir cet endroit dont il me parle avec enthousiasme.
Ce jour-là Lionel a d’autres rendez-vous, il me faudra faire un autre voyage.