Petite rêverie sans conséquence dans les robes de la comtesse Greffulhe. “La Mode retrouvée”, une exposition très proustienne au palais Galliera.
Être la comtesse Elisabeth Greffulhe, née Caraman-Chimay.
Se réveiller, dans des dentelles de Venise, quand le Paris des travailleurs fourmille déjà depuis les premières heures du jour pour accomplir toutes les tâches invisibles qui nous consacrent reine du faubourg Saint-Germain.
Feuilleter dans son lit le journal du matin, qui décrit en détail notre tenue de la veille, une robe en crêpe ivoire et noir à plumes d’autruches, un manteau lamé or brodé de paillettes nacrées, une aigrette féérique que surmonte une larme indécente de diamant.
Appeler sa femme de chambre pour décider de sa tenue du jour, de sa tea-gown et de sa robe du soir. Ne pas faire la vaisselle de son petit déjeuner.
Se prélasser dans une robe de chambre Fortuny, inspirée d’un tableau de Carpaccio, en lisant son courrier. Écrire un petit mot à Fauré, qui vient de nous dédier Pavane, rédiger quelques lettres enflammées qui défendent l’innocence du capitaine Dreyfus, envoyer quelques fonds à Pierre et Marie Curie pour les aider dans leurs recherches. Remercier le tsar Nicolas II pour son riche manteau de Boukhara, dont on se fera une belle cape.
S’arrêter pour un essayage chez Jeanne Lanvin, passer se faire photographier par le fils de Nadar, aller voir notre dernier portrait par Paul-César Helleu.
Rentrer chez soi, sans rester à la rue quand on a oublié ses clés, et voir les portes s’ouvrir mystérieusement dès qu’on veut entrer dans une pièce.
Aller chez son cousin Robert de Montesquiou, le dernier grand dandy du XIXe siècle, qui inspirera le superbe Charlus d’À la Recherche du temps perdu. Y croiser Marcel Proust, qui n’en dort plus pendant des jours.
Déjeuner avec Diaghilev, qui nous raconte ses ballets russes.
Devenir la duchesse de Guermantes, parce qu’on est la seule femme qui ait su concurrencer la mère de Proust, et rester à jamais la snob la plus élégante et l’oiseau le plus spirituel de la littérature.
Ne pas avoir besoin d’écrire une thèse pour payer son loyer.
Ne pas avoir besoin d’écrire une thèse pour exister.
Est-ce qu’il y en a encore, des comtesses Greffulhe, aujourd’hui? À voir le nombre de jolies femmes qui n’ont visiblement rien d’autre à faire qu’écouter leur audio-guide avant de retourner courir les magasins rue de Passy, on serait tenté de répondre oui.
Mais quelle Paris Hilton, ou quelle Charlotte Casiraghi pourrait encore devenir la duchesse de Guermantes?
Se réveiller, dans des dentelles de Venise, quand le Paris des travailleurs fourmille déjà depuis les premières heures du jour pour accomplir toutes les tâches invisibles qui nous consacrent reine du faubourg Saint-Germain.
Feuilleter dans son lit le journal du matin, qui décrit en détail notre tenue de la veille, une robe en crêpe ivoire et noir à plumes d’autruches, un manteau lamé or brodé de paillettes nacrées, une aigrette féérique que surmonte une larme indécente de diamant.
Appeler sa femme de chambre pour décider de sa tenue du jour, de sa tea-gown et de sa robe du soir. Ne pas faire la vaisselle de son petit déjeuner.
Se prélasser dans une robe de chambre Fortuny, inspirée d’un tableau de Carpaccio, en lisant son courrier. Écrire un petit mot à Fauré, qui vient de nous dédier Pavane, rédiger quelques lettres enflammées qui défendent l’innocence du capitaine Dreyfus, envoyer quelques fonds à Pierre et Marie Curie pour les aider dans leurs recherches. Remercier le tsar Nicolas II pour son riche manteau de Boukhara, dont on se fera une belle cape.
S’arrêter pour un essayage chez Jeanne Lanvin, passer se faire photographier par le fils de Nadar, aller voir notre dernier portrait par Paul-César Helleu.
Rentrer chez soi, sans rester à la rue quand on a oublié ses clés, et voir les portes s’ouvrir mystérieusement dès qu’on veut entrer dans une pièce.
Aller chez son cousin Robert de Montesquiou, le dernier grand dandy du XIXe siècle, qui inspirera le superbe Charlus d’À la Recherche du temps perdu. Y croiser Marcel Proust, qui n’en dort plus pendant des jours.
Déjeuner avec Diaghilev, qui nous raconte ses ballets russes.
Devenir la duchesse de Guermantes, parce qu’on est la seule femme qui ait su concurrencer la mère de Proust, et rester à jamais la snob la plus élégante et l’oiseau le plus spirituel de la littérature.
Ne pas avoir besoin d’écrire une thèse pour payer son loyer.
Ne pas avoir besoin d’écrire une thèse pour exister.
Est-ce qu’il y en a encore, des comtesses Greffulhe, aujourd’hui? À voir le nombre de jolies femmes qui n’ont visiblement rien d’autre à faire qu’écouter leur audio-guide avant de retourner courir les magasins rue de Passy, on serait tenté de répondre oui.
Mais quelle Paris Hilton, ou quelle Charlotte Casiraghi pourrait encore devenir la duchesse de Guermantes?
(Les robes trésors de la comtesse Grefffulhe – Paris, musée Galliera, jusqu’au 20 mars)
A suivre.
Tous les vendredis, Le journal d’une thésarde, voir l’intégrale.
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