S’il arrondit ses angles depuis quelques films, Ken Loach n’a jamais renoncé à la défense des oubliés de l’histoire sociale. Si « Jimmy’s hall » perd en rugosité critique, il permettra sans doute à un public plus large de saluer l’engagement politique d’un cinéaste fidèle depuis toujours à la cause du peuple, des peuples.
Jimmy’s hall – Ken LAOCH (GB) 1h46
Irlande, 1932. La guerre civile de libération contre la couronne d’Angleterre est terminée depuis 10 ans. Bien qu’ils aient combattu ensemble, les Irlandais sont divisés: les riches propriétaires terriens d’un côté, les gens de peu de l’autre. Jimmy Gralton revient d’un long exil aux Etats-Unis dans son village, sa mère est fatiguée, désormais seule, elle ne peut plus assurer l’entretien de la ferme. C’est donc une société radicalement partagée que Gralton retrouve, mais il rentre en héros. En effet avant son départ, il avait créé un « hall« , un lieu de divertissement, de danse mais aussi de culture et d’enseignement, tombé en ruines après son départ. Pressé par les habitants, il accepte de le rouvrir, immédiatement attaqué par un clergé intégriste et pudibond, puissant allié des propriétaires, représenté par un acariâtre dignitaire local qui s’empresse de lui rappeler que l’éducation est du ressort de l’Eglise. Et que la danse est païenne.
Ken Loach à nouveau irlandais après, notamment « Le vent se lève » (2006) dont « Jimmy’s hall » n’est pas à proprement parler une suite. Pourtant dans ces deux films, Loach se sert d’un contexte historique (Gralton a réellement existé) pour creuser son sillon de toujours: la lutte des classes. « Jimmy’s hall » n’est pas son meilleur film, d’ailleurs ses meilleurs films « Family life« , « Raining stones‘, « My name is Joe« , « Sweet sixteen » notamment, sont beaucoup plus anciens. Le père du cinéma social britannique a 78 ans, et si son argument se veut toujours aussi critique, ses films les plus récents s’épuisent dans une volonté d’être plus consensuel dans une facture plus léchée, plus manichéenne, moins radicale, en définitive moins convaincante que les formidables gifles cinématographiques qu’il nous avaient auparavant offertes. « Jimmy’s hall » sera, dit-il, son dernier film. L’occasion de rendre hommage à un cinéaste engagé depuis toujours. Et de (re)voir des films plus anciens.